dimanche 30 septembre 2012

Quand nos ancêtres fréquentaient les grands de ce monde


Je me suis souvent demandé si le lieu d'habitation de nos ancêtres pouvait avoir eu des conséquences sur leur vie et leur destinée.

Aujourd'hui nous visons dans un monde où les informations nous arrivent de manière instantanée mais jadis, il fallait plusieurs jours pour qu'une nouvelle aille de Paris à Marseille ou Lyon. Ainsi, le fait de vivre à proximité des lieux de pouvoir permettait-il au moins d'être informé rapidement des événements majeurs concernant le royaume mais aussi, peut-être, de bénéficier indirectement de ses largesses ...

Marguerite de Valois, la Reine Margot

En effet, il se trouve qu'une branche de ma famille est originaire de l'Oise, à côté de Beauvais, à Béthisy-Saint-Pierre et Béthisy-Saint-Martin pour être précis.

Or, mon plus vieil ancêtre identifié dans cette branche, un certain Berthaut Bergeron, a vécu sous le règne de François Ier et occupait la fonction de Capitaine de la Forteresse de Béthisy.
Et François Ier était le premier Roi de la dynasties des Valois-Angoulême.

Il se trouve que Béthisy se trouve en plein Valois , et que par conséquent, Berthaut Bergeron a eu cette "chance" de se trouver bien né, géographiquement parlant.

En 1547, à la mort de François Ier, c'est son fils Henri II qui lui succède. A cette époque, un des fils de Berthaut Bergeron, Nicolas Bergeron a une quinzaine d'année et se prépare à un avenir brillant puisqu'il va devenir Avocat au Parlement de Paris, Jurisconsulte et Historien !

Mais la suite est encore plus intéressante car Henri II a eu de son mariage avec Catherine de Médicis plusieurs enfants dont 3 règneront (François II, Charles IX et Henri III) et une fille Marguerite de Valois, dont le mariage malheureux avec Henri de Navarre, futur Henri IV la fît connaître sous le célèbre nom de la Reine Margot.

Or tout cela se passe entre les années 1559 (mort de Henri II) et 1589 (mort de Henri III), et à cette époque, Nicolas Bergeron continue de grimper les échelons de la hiérarchie sociale. Ne perdons pas de vue qu'il a environ 60 ans à l'avènement d'Henri IV ...

Et c'est alors, qu'à l'issue d'une longue et brillante carrière dans la magistrature il décide d'écrire sur sa région, le Valois et surtout il en profite pour faire un véritable panégyrique de la dynastie des Valois puisque son ouvrage, que l'on ne trouve évidemment plus qu'à la BNF se nomme (simplement) le Valois Royal ! Cet in-8 sera publié en 1583 et il est dédicacé à Marguerite de Valois. Rien que ça !

Le titre complet et la retranscription de la page de garde de cet ouvrage sont :
Le
VALOYS ROYAL

Extrait des Mémoires de M. Nicolas BERGERON,

Advocat en Parlement

A LA ROYNE DE NAVARRE
Duchesse du Pays de Valoys, etc.

A PARIS
Chez GILLES BEYS, rue S Jaques

Au Lis Blanc

M D LXXX III

Avec Privilège du Roy

Ceux qui seraient intéressés par la lecture de cet ouvrage de mon ancêtre (;o)) peuvent le faire à partir du site de Google.

On trouve à ce sujet une note intéressante dans l'ouvrage d'Isabelle de Conihout, intitulé Henri III, mécène : des arts, des sciences et des lettres :
De son côté, Nicolas Bergeron lui (Marguerite de Valois ndr) dédia Le Valois Royal, dont un exemplaire orné est conservé à la Réserve de la Bibliothèque Nationale de France : relié en veau, il porte un semé et au dos le chiffre de Gaston d'Orléans.
On peut donc imaginer sans peine que cet homme brillant qui fréquentait les plus grands de son temps n'aurait pas pu avoir le même parcours s'il avait grandi en Limousin ou en Bretagne.

Ce heureux hasard de la providence a quand même bien fait les choses car cette branche de la dynastie des Valois (les Valois-Angoulême) , n'a finalement duré que peu de temps, un peu moins de 100 ans, et Nicolas Bergeron en a été le témoin direct !

Et vous, avez-vous aussi eu des ancêtres témoins directs des grands de ce monde ?

Pour aller plus loin :



           

vendredi 28 septembre 2012

Quand Noblesse et Bourgeoisie s'arrangeaient ...


Dans cet article, je voulais une fois de plus vous faire partager une histoire familiale et voir dans quelle mesure elle s'inscrit dans des pratiques plus générales.

Cette fois-ci, il est question de mariage et d'argent.


Certes, nous savons tous que sous l'Ancien Régime, les mariages d'amour étaient rares et les unions étaient plutôt guidés par l'intérêt .
C'est le cas ici, encore que rien ne suppose que nos époux ne se soient pas "appréciés" !

1) Dans la famille Tirouflet, je demande les parents

La famille Tirouflet est originaire de La Baconnière, paroisse du Maine, dans l'actuelle Mayenne, à une vingtaine de kilomètres au Nord-Ouest de Laval.

Le père, Simon Tirouflet est né le 8 novembre 1653 à La Baconnière et il a épousé sa femme, Perrine Guériteau, le 12 août 1692, toujours à la Baconnière.
On note que, lors de son mariage, Simon Tirouflet était marchand de profession et habitait à la Roderie, un lieu de la paroisse de La Baconnière.

De leur union, est né le 18 juillet 1694, Jean Tirouflet, qui est l'acteur principal de cette histoire.

2) Dans la famille de Chalus, je demande les parents

La famille de Chalus est assez particulière à deux titres :
  • premièrement, il semble qu'elle tienne ses origines de la ville de Chalus en Limousin, et que le Roi Philippe Auguste aurait donné des terres à ce valeureux ancêtre dans la province du Maine pour le récompenser de l'avoir servi dans sa guerre contre les Anglais ...
  • elle est finalement assez disséminée, mais il semble bien que le lieu de départ de la famille, pour la période qui nous intéresse soit la région de la La Baconnière, plus exactement de la Seigneurie de la Bénéhardière.
Ainsi, le père, Pierre de Chalus, est écuyer, et sieur de la Motte à La Baconnière où il a épousé sa femme Perrine Manceau le 19 juillet 1694.

On notera qu'un heureux hasard s'est glissé par là car le mariage de Chalus-Manceau a eu lieu le lendemain du jour où celui qui allait devenir leur gendre est né ...

De leur union, est née le 7 septembre 1703, Jeanne de Chalus, demoiselle, qui est l'actrice principale de cette histoire.

3) Rencontre d'intérêts

Les faits s'arrêtent ici, et l'imagination prend le relais.

La famille de Chalus, quoique Noble et titrée, au passé prestigieux, n'a probablement plus les moyens d'entretenir la maison noble de ses ancêtres. En plus, ils ont une fille et il faut bien trouver un parti qui serait intéressé par elle.

D'un autre côté, on a une famille bourgeoise à laquelle la fortune réussit puisque Simon Tirouflet fait de bonnes affaires. Mais en cette époque, il ne suffit pas d'acheter une terre, puisque Simon Tirouflet va finir par acheter celle de la Roderie, pour devenir le Sieur de la Roderie, pour être considéré complètement.

Pour schématiser, on a d'un côté une famille titrée sans argent et une famille argentée sans titre ...

On peut donc aisément imaginer que l'union de Jeanne de Chalus avec Jean Tirouflet convenait à beaucoup de monde ...

Certes, ce mariage n'apportait pas de titre nobiliaire à la famille Tirouflet, mais elle pouvait penser que sa descendance pourrait s'enorgueillir de nobles ascendances du côté maternel, ce qui suffirait sans doute à asseoir davantage son autorité.



Alors, légende,vérité ? Impossible de le savoir vraiment, mais il est clair qu'en cette époque, les titres et les honneurs avaient une vraie valeur et des intérêts croisés pouvaient donc naître. D'autant que comme expliqué dans mon article sur la Noblesse d'Ancien Régime, cette petite Noblesse (fût-elle prestigieuse par son histoire) avait sans doute moins de scrupule à faire épouser un de ses enfants par un roturiers, pourvu qu'il fût riche !


Et vous, avez-vous rencontré dans votre généalogie des mariages d'intérêts ?

Pour aller plus loin : 


           

jeudi 27 septembre 2012

Les enfants nés de père et de mère inconnus


Le problème des enfants nés de père et de mère inconnus est, pour le généalogiste, que la lignée s'arrête brusquement.

Sauf cas assez rare selon moi, on ne peut d'ailleurs jamais identifier de manière certaine les parents biologiques de cet enfant.

Mais au-delà de cette contrariété très égoïste finalement, il faut penser à ces enfants qui n'ont jamais connu leurs parents et qui, surtout dans les temps reculés, étaient considérés différemment des autres. Tout en sachant que "différemment" sous l'Ancien Régime avait un sens beaucoup plus rude qu'à notre époque.

Alors, quand on sait les problèmes psychologiques vécus par les enfants nés sous X récemment, on peut imaginer sans peine les souffrances de nos ancêtres nés de parents inconnus.


1) Un cas réel, Charles François Decongé

Comme d'habitude, j'aime bien me rattacher à mes racines pour tenter d'extrapoler.

Charles François Decongé est un de mes ancêtres né le 14 Avril 1809, à Alençon dans l'Orne, en plein Premier Empire . Sans  doute la période un peu compliquée de l'époque est-elle à l'origine de sa naissance sans parents déclarés comme l'indique son acte de naissance :

Le vendredi quatorze avril mil huit cent neuf, acte de naissance de De Congé Charles François, né de ce jour à huit heures du matin, fils de père et mère inconnus, le sexe de l’enfant a été reconnu être masculin.
Premier témoin Charles Chaplain, meunier, âgé de quarante six ans, demeurant au moulin le Carbonet
Deuxième témoin, Léonard Richeux, lamier, âgé de quatre vingt huit ans, demeurant en cette ville
Sur la réquisition à nous faite par la Dame Louise Daval, veuve Dubout, sage-femme, demeurant en cette ville rue de la Mairie, qui a signé avec les deux témoins après lecture.
Constaté suivant la loi par nous officier public de l’état-civil soussigné.

RICHEUX     DAVAL, Ve DUBOUT    CHARLES CHAPLAIN
Deux choses m'ont sauté aux yeux quand j'ai découvert cet acte :
  • qui lui a donné ces patronymes ? Charles François en prénom et surtout Decongé en nom de famille ? c'eût été "Defourné" (comme pour l'ancêtre d'un membre de ma famille, je l'aurais compris, car l'enfant avait été trouvé abandonné devant le four à pain, d'où le nom "de four né") ou "Trouvé", mais là, mystère ?
  • une femme savait, la fameuse Dame Louise Daval, car elle a accouché la mère du petit Charles François, mais elle a gardé le secret. Peut-être est-ce la mère qui a souhaité que l'enfant se prénommât Charles François ?
Cet acte m'a donc posé beaucoup de questions ...


2) Pourquoi certaines mères ne voulaient pas reconnaître leur enfant ?

Je ne veux pas simplifier les histoires de ces femmes, mais j'ai le sentiment qu'il y a quatre principales raisons à ces abandons :
  • soit la mère était trop pauvre pour pouvoir subvenir aux besoins de l'enfant et n'avait ni la volonté, ni la capacité à le faire "passer" comme on disait, lors de la naissance ...
  • soit la mère était issue d'une famille d'un rang élevé et une grossesse malencontreuse pouvant contrarier la volonté de sa famille, elle n'avait pas d'autre choix que d'abandonner l'enfant
  • soit la mère était déjà mariée et l'enfant était le fruit d'une relation adultère, même si je ne crois pas trop à cette hypothèse dans la mesure où peu de monde (pour ne pas dire personne) ne pouvait déterminer avec assurance la paternité des enfants d'un couple
  • une autre hypothèse est le poids de l'interdit religieux sur l'avortement : les trois cas précédents auraient à notre époque pu être gérés par un avortement mais pas jadis ...

Dans le cas de mon histoire, je suis évidemment incapable de dire quel type de mère était celle de Charles François Decongé ...


3) Mais comment choisissait-on les patronymes des enfants trouvés ou non reconnus par leurs parents ?

Tout d'abord, les quelques cas auxquels j'ai été confrontés m'ont montré que généralement, les noms de famille donnés aux enfants trouvés correspondaient au lieu où il avaient été trouvés ou à un événement particulier.

Dans le cas présent, on peut toutefois émettre une hypothèse.

Il se trouve que sur la route allant d'Alençon au Mans, au deux-tiers du chemin, légèrement  l'est, se trouve la village de Congé sur Orne.

Peut-être que le scénario suivant s'est passé :
Une jeune femme, tombe enceinte hors mariage mais garde son enfant. Cette femme est originaire de Congé sur Orne, mais elle ne peut évidemment pas rester là-bas car la honte s'abattrait sur elle et sa famille.
Elle décide donc de quitter sa commune pour aller à Alençon (le Mans est trop proche), pour y trouver du travail et accoucher dans une grande ville où on posera moins de questions. Après tout, elle peut très bien dire être la femme d'un soldat de la Grande Armée qui est parti se battre pour l'Empire !
Mais elle ne peut pas assumer l'éducation d'un enfant et préfère donc l'abandonner.

La sage-femme la considère donc comme une inconnue, puisqu'elle ne la connaît pas et le seul indice qu'elle a est qu'elle est originaire de Congé. Elle décidera donc de nommer l'enfant "de Congé". Peut-être la mère meurt-elle des suites de l'accouchement ? Je n'y crois pas trop car rien ne l'indique dans les actes de décès de la ville d'Alençon dans les jours qui suivent la naissance.
Et puis, on peut imaginer que si la mère était morte à la naissance de son enfant, la sage-femme l'aurait précisé ...


4) Alors, que faire ?

Pour mon scénario, il faudrait que je retrouve l'éventuelle déclaration de grossesse que cette femme aurait faite à Congé (obligatoire depuis Henri II) ? Il faudrait sans doute chercher du côté de la vie de Charles François Decongé, s'il a hérité d'un inconnu ou en tout cas d'une personne sans lien apparent avec lui ? Il peut en effet arriver des cas où les pères, hommes mariés, aident discrètement à l'éducation de leurs enfants illégitimes ...


Dans le cas de Charles François Decongé il a exercé comme maréchal-ferrant à Alençon jusqu'en 1831. A cette date, il quitte la ville pour venir dans la Sarthe, à Bourg le Roi où il épouse deux mois plus tard Anastasie Béassé le 5 décembre pour être précis ...


Encore une énigme à essayer de résoudre ...

Et vous, avez-vous des ancêtres dont les deux parents sont inconnus ?

Pour aller plus loin:



           

lundi 24 septembre 2012

Les filles mères : une vie difficile


De nos jours, une jeune fille qui donne naissance à un enfant sans que le père ne se déclare reste malgré tout quelque chose d'assez marginal.

Ces jeunes filles disposent par ailleurs de structures d'accueil et ont a leur disposition tout un arsenal de services qui peuvent leur venir en aide. De plus, même si elles sont considérées par la majorité des gens comme de "malheureuses" filles, elles ne sont pas pour autant mises au ban de la société.

Mais, et les historiens le savent bien, cela n'a pas toujours été le cas.


Jusqu'à il y a peu, les jeunes filles tombant enceinte sans être mariées, et a fortiori, sans avoir de père connu pour leur enfant étaient extrêmement mal considérées, tantôt traitées comme une fille facile, voire une prostituée, tantôt complètement rejetée. Il n'y a qu'à relire les Misérables de Victor Hugo pour s'en convaincre. Et les années 1850 ne sont pas loin ...

J'ai retrouvé la trace d'une de ces filles mères dans mon histoire personnelle. Elle se nommait Julie Faugeron et avait grandi dans les confins de l'Ardèche à Lamastre. Elle est née en 1842 et ses parents, Jacques Faugeron et Marie Comboroule l'ont élevée comme une petite fille de la campagne.

Mais voilà, les parents étaient de pauvres agriculteurs et l'Ardèche est connue pour ses été secs et ses hivers rigoureux. Aussi, bien que Julie soit la plus grande des filles, il lui faut partir rapidement de la maison pour trouver un travail.

Or, la ville qui attire beaucoup de jeunes hommes et de jeunes filles de cette région, c'est Saint-Etienne. Bien que très industrialisée et pas forcément très belle, cette ville offre un travail à qui le veut car l'industrie de la rubannerie, de la passementerie et les métiers de la métallerie et de la facture d'armes sont en plein essor.

On ne sait pas bien comment Julie arrive là-bas ni si elle a retrouvé des amies de sa ville natale, même si c'est très probable. Elle a en effet un oncle Régis Bouchardon qui exerce à Saint-Etienne le métier de forgeur. Toujours est-il qu'elle trouve un emploi de domestique dans une des demeures bourgeoises de la ville.

Tout se passe bien jusqu'en septembre 1869.


La fin du Second Empire est proche, mais elle ne le sait pas encore. En revanche, grâce à son beau visage, elle attire les garçons de son âge ou un peu plus âgés. A-t-elle renoncé à se marier ? On ne le saura jamais, toujours est-il qu'un soir de septembre 1869, c'est la rencontre d'un soir ou d'un après-midi qui va bouleverser sa vie. Peut-être le garçon lui a-t-il promis le mariage, tel l'amant de Fantine ?

Le grossesse se passe mal, entre la honte d'être une fille facile, les regards suspicieux de la populace ? Elle a peut-être songé à l'avortement, mais les risques étant énormes et ne disposant pas de l'argent nécessaire pour payer une "faiseuse d'anges", elle garde l'enfant.

Comment ses parents ont-ils vécu cette nouvelle. Impossible à savoir.

La seule chose que l'on sait c'est que le 7 juin 1870, soit à peine 3 mois avant la fin du Second Empire à Sedan, naît Marie Julie Faugeron. Pourquoi Marie Julie ? Probablement qu'elle a voulu accoler le prénom de sa mère au sien ?

L'acte de naissance nous dit que Marie Julie est née rue Neuve, chez la sage-femme. Julie n'a donc pas accouché chez elle ... Et aucun témoin n'est de sa famille puisqu'on a Pierre Gabert, 51 ans, employé et Pierre Rouchon, 32 ans, maçon. Peut-être ce dernier est-il le père qui n'a pas voulu ou osé assumer son geste ?

Un signe qui laisse supposer une vie moins difficile que la plupart des filles mères de l'époque, est qu'elle habite avec son père au 8, rue Polignais, dans les quartiers ouest de Saint-Etienne. Soit sa famille lui a pardonné cette grossesse illégitime, soit elle l'a aidé à surmonter cette épreuve ? Impossible à savoir.
Mais pour payer sa part du loyer et ce qu'il faut pour Marie Julie, Julie travaille dur.


Peut-être l'épuisement, peut-être une maladie ont raison de Julie Faugeron le 18 mai 1871. Marie Julie sa fille n'a pas encore un an que sa mère est morte.

L'acte de décès de Julie donne une information importante :
L’an mil huit cent soixante et onze, le dix neuf mai à onze heures du matin, par devant nous, Adjoint et Officier délégué de l’Etat-civil de la ville de Saint-Etienne (Loire), sont comparus Jacques Fogeron, âgé de cinquante trois ans, journalier, rue Polignais 8 et Régis Bouchardon, âgé de cinquante huit ans, forgeur, rue Roannelle 33.
Lesquels nous ont déclaré que Julie Fogeron, âgée de vingt huit ans, domestique, rue Polignais 8, née à Lamastre (Ardèche), célibataire, fille du premier déclarant et de Marie Comboroule, est décédée dans son domicile hier à dix heures du soir.
Le décès constaté, les déclarants ont signé avec nous après lecture.

        FOGERONT        BOUCHARDON
Son père était présent ainsi que son oncle.

Peut-être l'ont-ils accompagné dans ses derniers instants ?

J'ai voulu par ces quelques mots rendre hommage à cette pauvre Julie Faugeron,qui était mon arrière-arrière-grand-mère paternelle et à travers elle, à toutes ces jeunes femmes qui, ayant succombé aux charmes de jeunes gens entreprenants se sont rendues coupables du crime de la grossesse illégitime !


Et vous, avez-vous pu rencontrer des destins similaires dans vos généalogies ?


Pour aller plus loin : 



           

dimanche 23 septembre 2012

La Noblesse sous l'Ancien Régime entre mythes et réalité


Lorsque l'on est à l'école on apprend que sous l'Ancien Régime, la population était découpée en trois parties :
  • la noblesse qui a des privilèges et qui vit du travail de ses gens et qui, de temps en temps, part en guerre
  • le clergé qui a des privilèges et qui prie pour la salut des âmes 
  • le tiers-état qui n'a pas de privilèges, qui travaille dur et qui paie des impôts 
Loin de moi l'idée de faire du révisionnisme, mais il est certain, et tous les ouvrages l'indiquent, que ce découpage en trois états distincts n'est qu'une vue de l'esprit, car non seulement il existe des passerelles entre eux, mais, et c'est l'objet de cet article, il existe de très importantes disparités au sein des ordres, en particulier celui de la Noblesse.


1) Qu'est ce que la Noblesse ?

Je ne vais me concentrer que sur la période de l'histoire qui va du XVIème au XVIIIème siècle, car c'est pendant cette période que l'on trouve généralement le plus de traces d'ancêtres "nobles".
La Noblesse constitue un ordre et Wikipedia donne une première indication très importante :
La noblesse française, ou la Noblesse de France, n'est pas constituée d'individus, mais de l'ensemble des familles reconnues nobles en France, le plus souvent parce qu'elles tiennent légitimement des domaines nobles (fiefs) ou des emplois nobles (offices) relevant du roi de France ou des grands vassaux de la Couronne.

Durant son existence juridique, qui se termine avec la Troisième République, la Noblesse française n'a jamais été une caste1. La population noble fut toujours renouvelée au cours des siècles.

Depuis la Révolution française, on utilise improprement les mots aristocratie et aristocrate pour désigner la Noblesse et ses membres, d'abord péjorativement comme pouvoir abusif d'un petit nombre, par opposition à la démocratie, ensuite avec un sens devenu positif venu d'Angleterre. Or, si ce mot désigne bien le gouvernement des meilleurs, il n'implique ni de se borner aux activités de la la Noblesse qui étaient très spécifiques, ni un recrutement essentiellement héréditaire.
Les Nobles tiennent donc des domaines ou des emplois relevant du Roi ou des grands Vassaux de la Couronne. En d'autre terme, il peut exister une très grande disparité entre le Duc de Bourgogne, par exemple et Guillaume de Chalus, Seigneur de Chalus et de la Bénéhardière, qui tenait son fief du Roi de France en des temps très lointains mais qui rendit hommage au Seigneur de Mayenne son suzerain le 11 Mais 1463 ...

La Noblesse bénéficie donc de certains privilèges, comme l'exemption de certains impôts, mais en contrepartie, elle devait allégeance à son suzerain.

Après la réforme de la capitation en 1695, le statut de Noble sera encore plus dégradé pour les gentilhommes de province car ils seront fiscalement comparables à des fonctionnaires locaux comme les collecteurs de gabelle ou autre propriétaire de charge.

2) Des disparités importantes

Le personnage central du livre de Rémi Waterhouse Ridicule, Ponceludon de Malavoy est à ce titre l'exemple même de cette Noblesse provinciale, désargentée, vivant dans une demeure seigneuriale inconfortable, et participant avec son régisseur ou ses gens, à la gestion des terres de son domaine.

La plupart de ces Nobles n'avaient jamais vu le Roi et auraient d'ailleurs été fort embêtés de devoir se rendre à Paris ou à Versailles pour le rencontrer. La Noblesse proche du pouvoir, la Noblesse de Cour considérant cette Noblesse rurale avec mépris ...

Les disparités qui existaient au sein de la Noblesse se sont également vues lors de la Révolution Française car, en général, les hobereaux de la campagne de France sont passés à travers les mailles du filet, allant même jusqu'à prendre des responsabilités dans le nouveau régime ! Il n'est en effet pas rare de voir un ancien gentilhomme local devenir le Maire de la nouvelle commune.
On pourrait presque poser l'hypothèse que la "petite" Noblesse de province a plutôt vu la Révolution d'un bon oeil car cette Noblesse de Cour, corrompue et inefficace, qui la méprisait jusqu'à lors laissait sa place ...

3) Les signes de la Noblesse

Certains signes montraient clairement au reste des sujets que les Nobles avaient un statut à part :
  • port d'un titre (écuyer, chevalier, etc.)
  • port d'une arme dans des lieux publics
  • possession d'armoiries
  • pouvoir chasser
  • exemption de la taille et des autres impôts (jusqu'à l'instauration de la Capitation en 1695)
  • avoir la capacité d'être décapité et non pas pendu ou roué en cas de condamnation à mort
Mais la richesse du seigneur dépendant de la richesse de son fief, on comprend très bien la raison des écarts de fortune pouvant exister entre Nobles, d'autant que les emplois lucratifs leur étant interdit, leur seule possibilité de s'enrichir étaient soit de se faire remarquer par leur Suzerain ou un Prince (voire le Roi) et obtenir un fief plus important, soit de faire un beau mariage ...

4) La Réformation de Louis XIV

Le Roi Louis XIV enfant a dû subir l'humiliation de le Fronde. Il s'en souviendra toute sa vie et fera en sorte d'asservir la Noblesse de la Cour ...
C'est ce qu'on apprend à l'école.

Mais ce que l'on sait moins, c'est que dans les années 1668, il fait procéder à toute une série de procès en Réformation dont l'objet était de demander à tous les Nobles du Royaume de justifier de leur Noblesse. Ceux qui en pouvaient pas le faire étaient donc rétrogradés dans la roture.

En revanche, ceux qui pouvaient prouver qu'ils étaient de noble extraction gardaient leur titre et leurs privilèges.
Je parlais précédemment de Guillaume de Chalus, et bien son descendant Jean de Chalus vivait en 1668, et il est écrit dans le procès-verbal de Réformation du 19 Juin 1668 :
Messire Jean de Chalus
avait pour ancêtre Guillaume de Chalus, Seigneur de Chalus et de la Bénéhardière
Lequel rendit hommage au Seigneur de Mayenne le 11 mai 1463
"à cause du comté dudit lieu, pour raison de la haute et moyenne justice
que ledit de Chalus avait en sa terre de la Bénéhardière"
Il porte pour armes :
"d'Azur à trois croissants d'argent"



La présence d'ancêtres Noble, surtout s'il s'agit de petits hobereaux de province, permet souvent de faire un bond en arrière grâce à différents actes ou documents généralement bien conservés car les familles pouvaient être amenées à justifier de leur état.
Cependant, certaines généalogies anciennes sont assez fantaisistes car il n'était pas rare que, moyennant finances, on trouvât un généalogiste ou un héraldiste peu regardant et créatif !

Et vous, avez-vous pu trouver des ancêtres Nobles dans votre généalogie ?

Pour aller plus loin :