dimanche 30 décembre 2012

La vie continue ...


Toujours à la recherche de mes ancêtres Victoire Comedé et Pierre Joseph Leclerc dans la ville de Beauvais, je continue à y faire des découvertes étonnantes.

Comme je le disais dans un article précédent, la caractéristique de Beauvais est d'être à la fois une ville de taille importante mais également d'être à une position géographique particulière. Elle se situe en effet à mi-chemin entre Paris et Amiens et se trouve à équidistance de Rouen et d'Amiens.

Eglise Saint-Etienne de Beauvais

Lors de mes recherches, j'ai donc découvert quelque chose que je vais révéler ici sous la forme d'une devinette : quel est le point commun entre Jacques Scover, Jean Laurent Eylingh et Jean Guillaume Mathieu Feltman ?

Mis à part le fait que ce sont tous des garçons, ils ont un patronyme pas vraiment français.

Mais encore ?

Petit indice, ils sont nés entre 1747 et 1748 ...

Toujours pas ?

Alors, lisez les actes de naissance :

Le quinzième jour du mois de mai de l'année mil sept cent quarante sept est venu au monde et a été baptisé Jacques, fils de Jean Willems Scover et de Catherine Scover sa femme, originaires de Paix de Brabant, ville de Rouermarch détenus prisonniers de guerre à Beauvais en Picardie, dans cette paroisse, ainsi nommé par André Iapen et par Anne Marie Van Hoghmoet ses parrain et marraine. La marraine a signé et le parrain a fait sa marque ordinaire ayant déclaré ne savoir écrire ni signer de ce interpellé suivant l'ordonnance.
Le dixième jour du mois d'août de l'année mil sept cent quarante sept est venu au monde et a été baptisé Jean Laurent fils de Henry Eyhingh et de Henrite Houves sa femme, originaires de la ville d'Utrecht, étant été prisonnier de guerre, ainsi nommé par le Sieur Jean Engelbert Van Savelandt et Dame Marie Thèrèse De Pampis, épouse du Sieur Jean Vernes de Pampis, officier des troupes Hollandaises prisonnier de guerre en cette ville ses parrain et marraine soussignés.
Le huitième jour du mois de février de l'année mil sept cent quarante huit est venu au monde et a été baptisé Jean Guillaume Mathieu, fils de Guillaume Feltman et de Catherine Abetz sa femme, nommé par Jean de Meyer et Laurentie Van Bebber ses parrain et marraine soussignés, le père et la mère de l'enfant étant natifs d'Utrecht en Hollande et détenus prisonniers de guerre à Beauvais en Picardie dans cette paroisse, tous deux de religion catholique apostolique et romaine, si bien que le parrain et la marraine.


1) Un peu d'histoire de France

En 1747, Louis XV est déjà roi depuis 32 ans (24 ans si on considère qu'il a été pleinement roi en 1723 à 13 ans).
Louis XV

En 1740 a débuté la Guerre de Succession d'Autriche.

Pour résumer, il faut savoir que l'Empereur Charles VI est décédé en 1740. Le problème est qu'outre la direction de l'Empire, il avait également le titre d'Archiduc d'Autriche. A son décès, c'est donc sa fille Marie Thérèse qui devient Archiduchesse d'Autriche.
La couronne impériale ne pouvant lui revenir, elle souhaite donc que ce soit son époux François, Grand Duc de Toscane qui soit élu Empereur (on se souviendra que c'est également un problème d'élection à ce titre qui avait causé les guerres entre François Ier et Charles Quint ...).

On a en face :
  • Louis XV qui souhaite voir Charles Prince Electeur de Bavière à la tête de l'Empire
  • Frédéric II, roi de Prusse qui lorgne sur la Silésie, partie de l'Empire proche de la Prusse
  • François, Grand Duc de Toscane et époux de l'Archiduchesse d'Autriche
Après quelques péripéties, Louis XV accepte de se ranger aux côtés de Frédéric II pour faire la guerre aux Autrichiens à la condition que celui-ci soutienne le candidat des Français. C'est chose faite en 1742 et le Prince Electeur de Bavière est élu Empereur sous le nom de Charles VII.

Je passe les détails et les rebondissements de cette affaire car après une paix séparée entre Frédéric II et Marie Thérèse, celui-ci abandonne ses alliés et les Français se retrouvent seuls contre les Autrichiens qui entre temps ont reçu le soutien des Anglais (c'est d'ailleurs curieux de constater que finalement les guerres de l'Empire ne sont que la continuation de ces guerres intra-européennes ...)

En 1743 les choses sont plus claires et on a deux camps issus des traités de Worms et de Francfort :
  • d'un côté l'Autriche, l'Angleterre et le Piémont
  • de l'autre côté la France, la Prusse, la Suède et la Bavière
En 1744, les Pays-Bas autrichiens sont envahis par la France

En mai 1745, la fameuse bataille de Fontenoy oppose les Français à la coalition Anglo-autrichienne. C'est à cette bataille semble-t-il que le Comte d'Anterroches a déclaré "Messieurs les Anglais, tirez les premiers !".

La Bataille de Fontenoy

Tout va plutôt bien pour la France au détail près qu'en janvier 1745 l'Empereur Charles VII est mort et son fils n'étant pas candidat, c'est tout naturellement François, le Grand Duc de Toscane qui est élu sous le nom de François Ier. Tout ça pour ça ...

Mais la guerre (les guerres devrais-je dire car on se bat au Canada, en Espagne, en Italie, en Ecosse, ...) continue et en 1747 la France contrôle les Pays-Bas après s'être emparé d'Ostende (été 1745), Bruxelles (février 1746), Anvers (juin 1746), Namur (septembre 1746). Face à ces défaites, les Provinces-unies essaient de gagner du temps en négociant. Mais Louis XV, porté par ses victoires les menacent de les envahir en avril 1747 ...  En juillet 1747, à la bataille de Maastricht, Maurice de Saxe défait la coalition Anglo-austro-néerlandaise.

Il faudra attendre octobre 1748 pour que les pourparlers aboutissent au traité d'Aix-la-Chapelle mettant fin à cette guerre de 7 ans !

2) Revenons-en à nos prisonniers

On comprend mieux d'où proviennent ces prisonniers ...

Mais la lecture détaillée de ces actes révèlent d'autres informations intéressantes pour l'historien et le généalogiste.

Tout d'abord, si les parents des enfants nés sont dits "prisonniers de guerre", rien n'indique qu'ils logeaient en prison. Sans parler de vie en semi-liberté, il semble que les prisonniers aient une vie presque normale. Leur femme est avec eux, ce qui est également étonnant. On peut penser qu'elles ont rejoint leur mari dans leur résidence ... En tout cas, elles accouchent à Beauvais.

Ensuite, les parrain et marraine sont choisis chez soi !  On reste entre hollandais. Probablement qu'on pensait au futur et qu'on se disait qu'une fois la guerre finie, on rentrerait chez soi. Que faire alors d'un parrain ou d'une marraine français ? Et puis il y a les problèmes de langues. On se doute que les prisonniers comprennent le français mais le curé a du mal à transcrire correctement les noms tant leur prononciation diffère de ce qu'ils ont l'habitude d'entendre.

Enfin, dans un cas, le prêtre prend la peine de préciser que les parents et les parrain et marraine sont catholiques ! Il faut en effet se souvenir que les Provinces-Unies, si elles sont subies l'influence espagnoles grâce à Charles Quint, ont toujours été un lieu de tolérance pour les protestants. De nombreuses familles s'y sont d'ailleurs réfugiées après la révocation de l'Edit de Nantes par Louis XIV.
Pour le commun des mortels, la Hollande est donc une terre protestante, d'où la précision apportée par le curé en 1748 (ce point n'a cependant pas été mentionné par celui qui a fait les baptêmes en 1747 ...).


3) Conclusion

Même en cas de guerre, la vie continue.

Les prisonniers ont des enfants avec leur femme, venue de leur pays les rejoindre. Ces enfants sont baptisés par des curés "ennemis" mais qu'importe. La vie continue ...

Certains cas montrent également que des relations se nouent entre les personnes issues de deux peuples ennemis (j'en sais quelque chose, descendant d'un soldat allemand, fait prisonnier en 1792 et ayant épousé une française du village où il était retenu ...).

Et vous, avez-vous remarqué ces échanges et mélanges durant les périodes de guerre ?

Pour aller plus loin :


           

jeudi 20 décembre 2012

Et il veut le baptême ...

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Toujours parti à la recherche d'informations sur mon ancêtre Victoire Comedé, je fais de-ci de-là des découvertes plus ou moins heureuses ...

L'avantage d'avoir des ancêtres vivant dans des grandes villes c'est qu'on y rencontre des personnages importants ou des institutions qui n'existent pas à la campagne. L'inconvénient en revanche, est la quantité d'actes ... A titre d'exemple, pour la ville de Beauvais, sous l'Empire, il y a environ 400 actes de naissances et de mariage par an dans une des paroisses de la ville, tandis que pour un village moyen comme ceux où vivaient une partie de mes ascendants, on tombe à une vingtaine ...

Mais là n'est pas le propos.

Beauvais

Je suis tombé sur plusieurs actes d'enfants abandonnés dans l'Hospice des Pauvres de Beauvais, qui était d'ailleurs devenu l'Hospice du Malheur sous la Révolution ... Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, mais je suis toujours ému lorsqu'il s'agit de faits touchant à des enfants et j'ai beau me dire "autres temps, autres moeurs", je n'arrive pas à lire ou analyser ces actes sans me projeter sur mes propres enfants. Je pense d'ailleurs que le jour où cela ne me fera plus rien, il faudra que j'arrête la généalogie ...

Voici donc la triste histoire d'un nourrisson abandonné au printemps 1811 ...

1) Les faits

Cet acte a retenu mon attention pour plusieurs raisons :
  • tout d'abord, j'ai été surpris de la grande quantité d'actes d'abandons sur la période
  • ensuite, le nombre de détails donnés est assez étonnant car il permet d'imaginer très aisément la scène
  • enfin, cela donne une idée de la façon dont les personnes de l'époque étaient vêtues, ce qui a sans doute un réel intérêt historique.

Voici l'acte en question :

L'an mil huit cent onze, le vingt mars, sept heures et demi du soir
Par devant nous François Daude, adjoint et délégué du Maire de Beauvais pour remplir les fonctions de l'Etat-civil de ladite ville, est comparue Demoiselle Françoise Guérin, Surveillante de l'Hospice des pauvres de cette ville, y demeurant, âgée de soixante quinze ans.
Laquelle nus a déclaré que le jourd'hui, à onze heures du soir il a été sonné à la porte dudit hospice, laquelle ouverte on a visité le dépôt des enfants abandonnés et trouvé un enfant tel qu'elle nous le présente emmailloté ainsi qu'il suit : une chemise brassière, une camisole brassière de sommière blanche bordé d'indienne fond blanc fleurs rouges et bleues, deux couches, un lange doublé de molton rayé noir et blanc, deux fichus de toile de coton à carreau rouge et blanc, un bonnet piqué blanc garni de dentelle blanche, un béguin, la tête et les bras dudit enfant recouverts d'une serviette marquée en coton rouge C.F.D.
Après avoir visité l'enfant, avons reconnu qu'il était du sexe masculin, qu'il paraissait nouveau né et avons trouvé posé sur son lange un carré de papier sur lequel était écrit : "cette enfant n'est pas baptissé et veut l'être, il sera appellée Pierre Joseph il est née cejourd'huy dix neuf mars mil huit cent onze à onze heures du matin en cette ville, déposé le même jour à onze heures du soir à l'hospice. Messieurs les administrateurs dudit hospice sont invitée à conserver cette écrit devant un jour servir à la reconnoissance de cette enfant par ses parents.
Note de la layette de l'enfant : 
1° un lange de molton rayé noir et blanc
2° deux couches 
3° une brassière de sommière blanche bordé d'indienne à picot petite fleurs rouge et bleu, les bouts des manches garnie de la même indienne
4° une chemise, un bonnet piquée blanc de mousseline garnie d'une petite dentelle, un beguin, deux petits mouchoirs de cou par carreau rouge et blanc, une serviette sur la tette et les bras
Fait double à Beauvais ce 19 mars 1811."

De suite avons inscrit l'enfant sous les noms et prénoms de Pierre Joseph Zozine, et avons ordonné qu'il soit remis à l'administration des hospices, de quoi avons dressé procès-verbal en présence des sieurs Pierre Charles Cailleux, âgé de trente quatre ans et Jean François Roquez, âgé de soixante un ans, tous deux employés à la mairie de cette ville, demeurant à Beauvais qui ont signé avec nous, après lecture faite du contenu du présent procès-verbal

J'ai volontairement mis en vert le texte qui figurait sur le papier joint à l'enfant en recopiant les fautes d'orthographe.
Manifestement, il s'agit d'un abandon "économique" car il est parlé des parents de l'enfant. Il existait d'autres types d'abandons, mais ce qui est étonnant c'est que très souvent il est écrit par la mère (ou le père) qu'il y a une volonté de reconnaître à terme cet enfant ... Etait-ce sincère ? Etait-ce pour obtenir un "bon" traitement de l'enfant ? Malheureusement, les statistiques le montrent, le taux de mortalité pour ces enfants était terriblement élevé car suivant l'étude de Léon Burias réalisée sur la période allant de 1761 à 1789, il était de 75 % !

Par ailleurs, outre la description très précise des vêtements de l'enfant, on a certains indices intéressants sur les moeurs de l'époque.

Ainsi, j'ai été surpris de découvrir que les enfants de l'époque avaient déjà des couches ! Je pensais que c'était une invention récente et que jadis les enfants étaient cul-nu pour éviter aux mère de devoir, en plus, laver les couches en permanence ...
Les vêtements montrent également une certaine délicatesse. Le béguin par exemple, cette petite coiffe qui était posée sur la tête et maintenue en place par deux attaches nouées sous le menton, dénote un certain raffinement dans l'habillement.

De plus, il est indiqué qu'on veut que l'enfant soit baptisé. Dans d'autres endroits, on précise qu'il l'a été. Cela montre donc qu'en dépit du travail de sape fait par les révolutionnaires, la religion est toujours aussi présente dans l'esprit des gens et que la crainte de voir l'âme de leur enfant défunt errer éternellement dans les limbes pour cause de non baptême était insupportable.

Par ailleurs, l'enfant a été nommé par ses parents et on y ajoute le prénom d'un saint qui lui servira désormais de patronyme. Zozine, aussi écrit Zozime, est le nom d'un saint qui fût jeté aux fauves en l'an 107. Peut-être que la personne ayant recueilli ce nouveau-né lui a donné ce prénom par analogie : il allait rejoindre la cohorte des enfants abandonnés ...

2) Le triste destin de Pierre Joseph Zozine

Après cette découverte, j'ai voulu en savoir plus sur notre petit Pierre Joseph. J'ai donc compulsé fébrilement les tables décennales des années postérieures à sa naissance. L'avantage avec un nom comme celui de Zozine, c'est qu'il est à la fin des tables, ce qui raccourcit sensiblement le temps de recherche.

Beauvais - le Bureau des Pauvres

Hélas, ce que je craignais est arrivé et c'est avec un réel pincement de coeur que j'ai trouvé ceci en 1816 :

L'an mil huit cent seize le vingt huit juin deux heures un quart de relevée, 
Par devant nous Philippe Nicolas Jourdain d'Héricourt, adjoint et délégué du Maire de Beauvais pour remplir les fonctions d'officier de l'Etat-civil de la dite ville, sont comparus messieurs Jean Baptiste Derivière, âgé de soixante sept ans et Philippe Henry Secout, âgé de quarante un ans, le premier administrateur et le second secrétaire des hospices civils de cette ville, demeurant à Beauvais,
Lesquels nous ont déclaré que Pierre Joseph Zozine, âgé de cinq ans et trois mois, enfant abandonné, inscrit sur le deuxième registre sous le numéro trois cent quarante, est décédé ce jourd'hui à neuf heures et demie du matin, au bureau des pauvres de cette ville, et ont les comparants signé avec nous après lecture faite.

5 ans et 3 mois ...

Sa pauvre vie n'aura duré que 5 ans et 3 mois. Une vie terrible, sans amour, avec peut être des violences physiques, souffrant du froid pendant l'hiver, de la promiscuité, des pleurs des plus petits, du bruit permanent des disputes ...
Peut-être que je me trompe et que ces enfants étaient entourés d'affection par les personnes qui les avaient en charge. Mais il y avait tellement d'enfants.

Pourtant, cet hospice a été fondé en 1630 par Saint Vincent de Paul lui-même, pour éviter à tous ces enfants non désirés de finir leur vie dans les égoûts des villes ou comme martyrs mutilés pour permettre à leur "maître" de récolter quelque argent !

On notera par ailleurs une chose étonnante.
Alors que ces enfants proviennent pour leur quasi-totalité des classes moyennes ou les plus humbles de la population, et qu'ils sont pris en charge par l'église (le Bureau des Pauvres, futur Hospice des Pauvres est financé principalement par l'évêché), aucun des ces deux "états" ne parlera de la souffrance de ces enfants dans les cahiers de doléances de 1789.
Ce n'est, semble-t-il que la noblesse qui s'en préoccupe et qui tente de faire évoluer les choses (par respect de la vie humaine ou par crainte de voir des hordes de mendiants dégrader la sécurité des villes, difficile de savoir ...).

3) Les enfants abandonnés et la généalogie

Une réflexion que je me fais est que dans la mesure où la plupart du temps les enfants sont baptisés, il doit être possible de rechercher leur filiation dans les archives du diocèse. En effet, les actes post-révolutionnaires sont civils uniquement.

Par ailleurs, peut-être existe-t-il aux archives judiciaires des actes de reconnaissance d'enfants abandonnés à la naissance mais finalement reconnus par leurs parents ?

Dans tous les cas, cela signifie qu'il existe sans doute des moyens de retrouver le nom d'au moins un des parents de ces enfants.

Deux sites apportent des informations très importantes sur la façon dont on abandonnait les enfants et ce qu'il advenait par la suite.

Il s'agit tout d'abord du site Histoire Passion, qui est très complet et qui donne des statistiques sur le taux de mortalité des enfants abandonnés.
Ensuite, le travail qui a été fait sur l'hospice de Montmaur, où on parle des Tours d'abandon.

Je ne connais pas actuellement la manière dont sont traités les enfants abandonnés, mais je suis intimement convaincu que cela n'a rien à voir avec ce qui se faisait il y a 200 ans.
Certes, les conditions économiques et politiques sont complètement différentes et la contraception a grandement limité les grossesses non voulues, mais quelle évolution ! Ne serait-ce que le regard que nous portons de nos jours sur les enfants !

En tout cas, comme je le disais dans un article précédent : Pourquoi la généalogie est utile ? Parce qu'elle permet de redonner vie à un petit garçon abandonné au printemps 1811 et qui n'aura vécu que 5 ans et 3 mois dans le malheur. Finalement, ce sont les révolutionnaires qui ont eu raison : il s'agissait bien de l'Hospice du Malheur ...


Et vous, avez-vous découvert de telles histoires dramatiques ?

Pour aller plus loin : 

           

mardi 18 décembre 2012

Mourir de nostalgie ...

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En ce qui me concerne, le XIXème siècle rime pour moi avec la grande période du romantisme. Les noms de Chopin, Liszt, Flaubert, de Nerval, Lamartine, etc. me viennent spontanément à l'esprit à l'évocation de cette période.

Pour la plupart des gens, le romantique du XIXème siècle est cet homme capable de mourir d'amour car son aimée est partie ou cette femme tombant en pâmoison devant les déclamations enflammées de son jeune amant.


Mais derrière cette image d'Epinal se cache une réalité souvent plus terrible car on parle bien de mort.

1) Mourir de Nostalgie

Cette semaine, j'errais sur les registres d'état-civil de la commune de Beauvais pour tenter (en vain pour le moment) d'y retrouver les traces d'une de mes ancêtres, Victoire Comedé, décédée en cette commune sous la Révolution. et puis je suis tombé sur ça :

Du vingt deux janvier mil huit cent treize

Copie d'un acte de décès transmis par monsieur l'Econome de l'Hôpital Militaire de la ville de Calais au Maire de Beauvais

Commune de Calais
Hôpital militaire de Calais

Du Registre des décès dudit hôpital a été extrait ce qui suit :
Le sieur Crespin Eugène, fusilier à la deuxième Compagnie de la Quarante-septième Cohorte du Premier ban de la Garde Nationale, âgé de vingt deux ans, natif de Beauvais, département de la Seine Inférieure, est entré audit hôpital le treize du mois de Novembre l'an mil huit cent douze et y est décédé le six du mois de Janvier mil huit cent treize par suite de Nostalgie.
Je soussigné, Econome dudit Hôpital, certifie le présent extrait véritable et conforme aux registres des décès dudit hôpital.
Fait à Calais le six du mois de janvier mil huit cent treize signé Jandau

Nous Commissaire des Guerres, chargé de la police de l'hôpital militaire de Calais certifiions que la signature ci-dessus est celle de Monsieur Jandau, Econome et que foi doit y être ajouté (...)

J'ai crû halluciner : ce jeune homme, Eugène Crespin, était mort le 6 janvier 1812 ... de Nostalgie !

Passé mon étonnement, j'ai voulu en savoir plus car, en généalogie, la curiosité est un bon défaut ...

Commençons par le commencement.

2) Où ce jeune homme était-il affecté ?

Dans l'acte il est écrit qu'Eugène Crespin était affecté comme Fusilier à la 2ème Compagnie de la 47ème Cohorte du Premier Ban de la Garde Nationale à Calais.

J'avais oublié à quel point l'Empire s'inspirait des termes militaires Romains ...

Un peu d'histoire :
Le décret du 12 novembre 1806 a rétabli les Gardes Nationales. Tous les Français valides de 20 à 60 ans sont susceptibles d'être appelés pour le service de la Garde Nationale.

Les soldats du Premier Ban ne doivent pas sortir du territoire et celui-ci est exclusivement destiné à la garde des frontières, à la police intérieure et à la conservation des grands dépôts maritimes, arsenaux et places fortes.

Une Cohorte était composée de 10 Compagnies de 100 Gardes Nationaux.

Dans le cas d'Eugène Crespin, il est donc logique qu'il soit à Calais, qui était un arsenal important sous l'Empire. Son grade de Fusilier montre qu'il était un soldat de base, sans expérience particulière.
Par ailleurs, le fait qu'il soit dans le Premier Ban devait lui permettre de rester sur le territoire Français. Peut-être que cette affectation avait été dictée par un état psychologique fragile ?

3) La Nostalgie n'est plus ce qu'elle était ...

Il y a ensuite les causes de sa mort.

Au début du XIXème siècle les connaissances en psychiatrie étaient relativement succintes mais cependant, on arrivait à donner des noms à certains comportements sortant de l'ordinaire.

Une étude canadienne donne à ce titre une information très intéressante :

"La nostalgie est classée parmi les névroses cérébrales: c'est une sorte de monomanie qui est commune chez les soldats et les marins nouvellement incorporés. Les habitants de la Suisse, de la Bretagne, de tout l'ouest de la France, des rives du Rhin, en sont souvent affectés, tandis qu'elle est plus rare chez les Savoyards et les Auvergnats. Cette maladie, que la certitude seule de pouvoir bientôt retourner au pays a souvent guérie instantanément, peut quelquefois cependant entraîner la mort; son traitement est tout moral: on prescrit au malade de l'exercice, de l'occupation, des distractions de tout genre; en cas d'insuccès, le seul remède vraiment efficace, le retour au foyer natal. Un ordre ministériel a prescrit récemment aux chefs de corps d'accorder des congés à tous les militaires atteints de nostalgie." (M.-N. Bouillet, Dictionnaire universel des sciences, des lettres et des arts..., Paris, Librairie de L. Hachette et Cie, 1857)

Ainsi il s'agit d'une maladie qui était très prise au sérieux par les militaires.

Dans le cas d'Eugène Crespin, qu'est ce qui a pu causer cette Nostalgie ? Le fait de quitter un être cher ? Etait-ce un homme fragile psychologiquement qui n'était pas prêt à quitter sa famille ?

Il faut dire que nous sommes en 1812-1813. Même si les personnes de cette époque ne le savent pas encore, la fin de l'Empire est proche et en tout cas la conscription est de plus en plus mal vécue. Des informations arrivent donnant des nouvelles terribles sur ces batailles rangées où des milliers d'hommes meurent sous le feu ennemi.

L'Empire est enlisé en Espagne et la Campagne de Russie qui est en cours se passe mal.

On peut donc imaginer un jeune homme qui vient d'atteindre l'âge de la conscription mais qui ne veut pas partir car il sait que le service dure des années et il sait sans doute aussi que les guerres sont de plus en plus meurtrières. Il est toutefois trop pauvre pour pouvoir se faire remplacer. Il doit donc partir mais rapidement, il a le mal du pays et il est alors frappé de Nostalgie.

Son mal dure un peu moins de 2 mois et le 6 janvier 1813 il meurt. Est-il mort de tristesse ? S'est-il suicidé ? Nous n'en savons pas plus, mais une chose est sûre, sa vie s'est achevée là où, a priori, il ne risquait rien ...


Et vous, avez-vous rencontré des cas aussi étranges dans vos recherches ? 

Pour aller plus loin :


           

jeudi 13 décembre 2012

Mourir pour l'Empire

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Je dois avouer avoir une faiblesse pour la période qui couvre le début du XIXème siècle, c'est-à-dire celle qui a été désignée a posteriori par "l'Epopée Impériale". Dès que je peux trouver des traces tangibles d'événements survenus pendant cette période, je suis heureux.

Or, récemment, alors que j'étais en train de travailler sur les collatéraux d'un ancêtre en Dordogne, je suis tombé sur un acte de décès assez peu courant, même s'il en a existé des milliers de la sorte à cette époque.
Il s'agit de l'acte de décès de François Labroux, mort en 1811 sur le champ de bataille d'Albuera en Espagne, alors qu'il servait l'Empire comme Chasseur dans le 5° Corps d'Armée de Soult.

Bataille d'Albuera

J'ai donc voulu aller plus loin que cet acte et faire un peu d'histoire et de généalogie pour rendre hommage à ce jeune homme qui a donné sa vie pour un Empire qu'il servait loyalement depuis 6 ans.

Acte I - Le point de départ de l'aventure, un "banal" acte de décès

Cet acte, en date du 24 août 1812 (date qui est importante, on le verra plus tard) est rédigé ainsi :

Extrait d'acte de Mort

28° Régiment d'Infanterie Légère

Armée Impériale du Midi en Espagne

Nous soussigné, André Hilaire Villa, membre de la Légion d'Honneur, Officier Payeur au 28° Régiment d'Infanterie Légère, remplissant les fonctions d'officier de l'Etat-civil, certifions qu'il résulte du Registre destiné à l'inscription des actes de l'état-civil faits hors du territoire français, pour le susdit Corps, que le nommé François Labroux, Chasseur à la Première Compagnie du Deuxième Bataillon du Vingt-huitième Régiment d'Infanterie Légère, fils de Pierre Labroux et de feue Suzanne Jourdain, natif de Champagne, département de la Dordogne, signalé au Registre Matricule sous le N° 1725, est décédé sur le champ de bataille à La Albuéra, par suite d'un coup de feu qu'il reçut à la poitrine le seize mai mil huit cent onze, à trois heures de relevée d'après la déclaration à nous faite le dix neuf mai 1811 par les trois témoins mâles et majeurs voulus par la loi, lesquels ont signé au registre avec nous à Fléréna en Espagne le dix neuf mai mil huit cent onze.

Pour extrait conforme, signé Villa

Vu par nous Sous-Inspecteur aux revues adjoint, il n'a pas été possible de lire la signature 
Certifié conforme au matricule du Corps par nous membre du conseil d'administration du dépôt du 28° d'Infanterie Légère à Mayence, le 30 juillet 1812, le Major Président.

L'acte ci-dessus a été transcrit par nous, Maire officier de l'état-civil de la commune de Champagne, arrondissement de Ribérac, sur une expédition qui nous a été transmise par monsieur le Sous-Préfet et que nous avons remise à la famille du décédé le vingt quatre août mil huit cent douze.

Note en marge :
5° Corps, 2eme Division
Arrivé au Corps le 7 Nivôse l'an 14 (28 Décembre 1805) comme conscrit de l'an 14.

Ainsi, François Labroux est décédé le 16 mai 1811 lors de la bataille d'Albuera qui a vu s'opposer les troupes impériales et une coalition Anglo-portugaise et Espagnole. La victoire a été donnée à la coalition ennemie, mais un lourd tribut a été payé des deux côtés.

Acte II - La Bataille d'Albuera

Je ne prétends pas donner ici le compte-rendu de l'intégralité de la bataille, mais seulement quelques éléments clefs. Pour plus de détail, le lecteur se rendra avec bonheur sur la page de Wikipedia, sur le site de Au fil des Mots et de l'Histoire ou encore sur la page de Gustave Martinez.

Troupes engagées lors de la bataille d'Albuera

L'Armée Française est commandée par Jean-de-Dieu Soult, Duc de Dalmatie, et commandant en Chef du 5° Corps.
Ce 5° Corps est composé de 6 Divisions, et celle qui nous intéresse, la 2° Division est commandée par le Général Honoré Gazan.
La 2° Division est composée de 2 Brigades, et celle qui nous intéresse, la Brigade commandée par le Général André Rochefort contient les Régiments d'Infanterie Légère, dont le 28°, lui-même composé de 3 Bataillons. Le Second Bataillon auquel appartient François Labroux est divisé en 6 Compagnies qui contient en tout 467 hommes.

On arrive donc tout de suite à une dimension plus "humaine" que ce qu'on peut lire dans les livres d'histoire consacrés à la Grande Armée.

Notre François Labroux est arrivé au 5° Corps le 7 nivôse an XIV, c'est-à-dire le 28 Décembre 1805. Soit 3 semaines à peine après la victoire d'Austerlitz qui marque le moment où l'Empire est au sommet de sa gloire. Même si la conscription n'est pas forcément bien vécue, les jeunes recrues ont au moins le sentiment d'intégrer l'armée la puissante du monde et quasi-invincible, qui se veut en plus le fer de lance des idées de la République !

Avec le 5° Corps, François Labroux va beaucoup voyager, mais lorsqu'il arrive en Espagne en 1809, les choses changent. Les victoires ne sont plus aussi éclatantes et la guérilla espagnole fait souffrir l'armée Française.


le 16 mai 1811, à proximité d'Albuera, le 5° Corps de la Grande Armée affronte les armées anglo-portugaises et espagnoles. L'armée française est en sous nombre par rapport à l'ennemi, mais par des mouvements audacieux et surtout une artillerie et une cavalerie efficaces, le Duc de Dalmatie limite la portée de cette défaite.

Amère victoire car c'est la bataille la plus sanglante de cette période en Espagne. La France perd 6 500 hommes dont 2 généraux, tandis que l'ennemi perd lui 10 000 hommes.

François Labroux fait partie de ces soldats qui, fusil au point, avancent en rang face à l'ennemi. On imagine sans peine le niveau de stress de ces soldats : le hurlement des canons, les cris des morts sabrés par la cavalerie, le tonnerre des coups de feu, et surtout cette impression terrible d'aller à l'abattoir lorsqu'on s'avance en ligne, face à un ennemi qui vous tire dessus !

Cet extrait concernant la bataille donne une idée des derniers instants qu'à dû vivre François Labroux :

"Dès que l’ennemi eut abandonné sa première position pour en prendre une autre un peu en arrière, le général Girard l’aborda sans se donner le temps de déployer ses colonnes d’attaque, et, par ce faux mouvement, donna un grand avantage aux Anglais, qui l’attendirent de pied ferme et le reçurent avec un feu de deux rangs non interrompu. Tous les coups portèrent dans la colonne française serrée en masse, et dont la tête seule pouvait répondre par un feu mal nourri. Les derniers rangs, voyant tomber les premiers sans pouvoir leur porter secours, perdirent courage. En vain les généraux voulurent les ranimer, ils furent les premières victimes de la faute que l’on venait de commettre : le général Pépin tomba mortellement blessé ; les généraux Brayer et Maransin furent mis hors de combat ; le général Gazan reçut aussi une grave blessure.
(...)
Le découragement gagna les rangs. La tête de colonne, recevant la mort sans pouvoir la rendre, se regarde comme une victime que l’on sacrifie. Les chasseurs du 28e, qui la composent, après avoir perdu 600 hommes, et privés de leurs chefs, tournent sur eux-mêmes et se débandent."
(pour la totalité du récit : Au fil des mots et de l'histoire

A noter que les chasseurs du 28° RIL étaient 1 414 au début de la bataille. Ainsi, la perte de 600 hommes, au nombre desquels figurent François Labroux a sérieusement dû affecter le moral de ce régiment ...


Acte III - François Labroux (1784-1811)

François Labroux est né le 18 décembre 1784 à Champagne du mariage de Pierre Labroux avec Suzanne Jourdain.
En 1805, il est tiré au sort pour intégrer la Grande Armée et va y rester 6 ans jusqu'à cette journée fatale du 16 mai où il terminera sa vie d'une balle dans la poitrine.

Son  père est régisseur au château de la Richardie, ce qui signifie qu'il est issu d'un milieu modeste, mais pas misérable. Son grand-père avait cette charge également, mais décède quelques jours après sa naissance. Il y a fort à parier que si les guerres de l'Empire n'avaient pas orienté son destin de la sorte, il aurait pris la suite de son père et aurait pu fonder une famille à Champagne.

Ce qui est terrible dans cette histoire est la chronologie des faits :
  • 16 mai 1811 : mort à la bataille d'Albuera
  • 19 mai 1811 : déclaration du décès à l'officier concerné
  • 30 juillet 1812 : certification conforme de l'acte de décès
  • 24 août 1812 : transcription de l'acte sur les registres de Champagne et information de la famille ...

Il aura fallu plus de 15 mois pour que la nouvelle parvienne à sa famille ! Et en plus, aucune sépulture n'existe car son corps a dû être enterré sur place avec toutes les autres victimes de la bataille. Que restait-il à cette famille ? Le souvenir d'un jeune homme de 21 ans, parti un hiver de 1805 servir l'Empereur et qui finit sa vie dans une plaine d'Espagne à 26 ans ...


Et vous, avez-vous trouvé de telles histoires terribles pour vos ancêtres ?

Pour aller plus loin : 
           

mardi 11 décembre 2012

Vol de bois à Champagne !

Pack Généatique 2012 - le cadeau idéal à faire à ceux qui veulent se lancer dans la généalogie ! 
 

Avec le temps, les populations sont devenues de plus en plus denses et des cités se sont créées. Ces zones habitées ont engendré beaucoup d'avantages : meilleure sécurité, mutualisation des ressources, etc..

Mais toute médaille a son revers et la densification des habitations a fini par créer des problèmes de voisinage. Sans tomber dans l'analyse sommaire, on peut toutefois remarquer qu'une des causes importantes de ces problèmes tient à la jalousie entre voisins.

Au XIXème siècle, un ancêtre de mon épouse a été obligé de porter plainte pour vol et j'ai pu retrouver les traces de cette demande.
Encore une fois, c'est un prétexte pour faire de la généalogie (mais a-t'on réellement besoin de raisons pour cela ...) et en partant de ce document, l'idée est d'en savoir plus sur les protagonistes de cette affaire.

En route pour cette petite histoire ...


1) L'acte de départ

Comme toujours, c'est la trouvaille d'un acte dans les archives familiales qui guide mes recherches.

Ici, il s'agit d'un acte intitulé "Mandement de Recherche" et daté du 3 décembre 1808. Le titre est en soi déjà étonnant ou pour le moins pas commun !

Quant à son contenu, il m'a laissé, disons, pantois.

En voici la transcription intégrale :

Mandement de recherche

Sur que nous vient d'exposer Pierre Beau, Jean Labroux et Pierre Beau, propriétaires demeurant au village de Jaufrenie, commune du Petit Champagne que certain quidam se permettent fréquemment de leur enlever soit de nuit soit de jour les fagots et branchages provenant de l'exploitation du bois chêne appelé le Bois de la Garenne du pas de Berrau situé dans la commune de Gurat et dont ils ont acheté la coupe dernièrement au sieur Chatenet, propriétaire dudit bois et demeurant à Lavalette.
Nous invitons MM les Maires et Adjoints de la commune de Gurat et autres communes circonvoisines de vouloir bien au vu de présent mandement faire, accompagné des sieurs requérants et en observant des formes légales, la recherche la plus exacte que faire se pourra du vol dont il s'agit dans toute l'étendue de la commune de Gurat.
Mandons en conséquence à tous nos justiciables des dites communes de faire à la première réquisition qui leur en sera faite par les dits sieurs Maires et Adjoints l'ouverture de leurs maison et bâtiments et de les seconder autant qu'ils le pourront dans leurs recherches.
De tout quoi nous prions lesdits sieurs Maires et Adjoints de faire procès-verbal circonstancié ainsi que de tous les renseignements qu'ils pourront se procurer sur les auteurs du délit dont il s'agit pour, y celui dûment rapporté, être ensuite statué par les magistrats supérieurs ce qu'il appartiendra pour la vindicte publique.
Fait et donné au prétoire de la justice de paix du canton de Lavalette, le trois décembre 1808

2) Le lieu et les acteurs

Pour bien comprendre la situation des lieux, il faut savoir que Jaufrenie est un village dépendant de la commune de Champagne, laquelle est voisine de celle de Gurat. Mais Champagne est en Dordogne tandis que Gurat est en Charente. La frontière est au niveau de Jaufrenie.

Il n'est donc pas étonnant que les habitants de Jaufrenie aient acheté une coupe à un propriétaire de Gurat. D'autant que la troisième commune citée, Lavalette est également frontalière des deux précédentes.

Nous n'avons pas de précisions quant aux deux Pierre Beau, mais il s'agit en fait de Pierre Bost, né en 1766 et fils de Pierre Bost (1728-1795) et de Madeleine Ducher et de son frère, aussi nommé Pierre Bost, né en 1769, qui est le sosa 492 de mon fils. A l'époque des faits, les deux frères ont donc respectivement 42 et 39 ans. Il sont donc des propriétaires pleinement établis et en pleine force de l'âge.
A noter que localement, Bost de prononce "Bo", d'où la transcription faite par le Greffier de Lavalette du patronyme en "Beau".

Sur le troisième personnage, j'ai un doute car il existe un Pierre Labroux dans la famille qui est l'oncle maternel de la femme de Pierre Bost le jeune. Je ne connais pas sa généalogie, mais on peut imaginer qu'il a un fils qui se prénomme Jean, et qui serait donc de la même génération que nos deux frères. En effet, concernant Pierre Labroux, je sais que :
  • il est natif de Jaufrenie
  • il est né en 1752, il a donc 56 ans au moment des faits, ce qui rend possible le fait qu'il ait un fils d'environ 30 ans
  • il a un lien familial assez proche avec les Bost, ce qui peut expliquer la présence de son fils dans cette affaire

3) Les faits

Il est toujours très difficile de se plonger dans le contexte et de s'imaginer vivant à l'époque de nos ancêtres. De fait, certaines coutumes qui nous semblent aujourd'hui désuètes avaient une réelle importance il y a 200 ans.

Ainsi, de quoi s'agit-il : quelqu'un vole des branchages et des fagots de bois provenant d'une coupe qui a été achetée par les frères Bost et Jean Labroux. Apparemment, les faits sont multiples et il semble que les demandeurs en aient assez !

Il faut dire que nous sommes en décembre et que le bois peut se vendre pour alimenter les cheminées. Tout vol de bois se traduit donc par un manque à gagner important, d'autant qu'ils l'ont eux-même acheté !

Toujours est-il que ce qui s'en suit semble complètement disproportionné : on appelle les maires et les adjoints des communes entourant celle de Gurat pour fouiller une à une toutes les maisons de cette commune afin d'y retrouver les fagots volés !

On imagine les heures passées à fouiller les dépendances des fermes alentours. De plus, pour éviter de cibler une ou deux familles en particulier, on peut imaginer qu'ils ont fouillé plusieurs maisons : que de temps pour quelques fagots de bois. Et encore, comment reconnaître la provenance de tel ou tel fagot ?

L'enjeu devait être de taille !

Malheureusement, je ne dispose pas de la suite : les fagots ont-ils été retrouvés ? Un responsable a-t-il été identifié ? Il faudrait fouiller dans les archives judiciaires de cette époque pour en savoir plus ...

Toujours est-il que cet acte peu banal m'a encore permis de découvrir un trait de la personnalité de ces 3 personnages : des personnes qui n'hésitent pas à faire appel à la force publique pour résoudre un problème de vol ... de fagots de bois !


Et vous, avez-vous trouvé des "faits divers" similaires concernant vos ancêtres ?

Pour aller plus loin :