mercredi 3 avril 2013

Challenge A à Z - C comme Curé Constitutionnel


Pour la plupart des gens, j'imagine que l'expression "Curé Constitutionnel" ne signifie pas grand chose ! 

L'épithète Constitutionnel vient de l'Assemblée Constituante, la fameuse Assemblée qui a donné ensuite notre Parlement. Je veux bien entendu vous ramener à cette période tellement riche et trouble qu'a connu notre pays entre 1789 et 1799, celle de la Révolution Française.

Clergé à l'Assemblée Constituante

Un peu d'histoire

Le 14 juillet 1789, quelques parisiens en forme décident de chercher de la poudre dans un dépôt situé dans la forteresse de la Bastille, qui sert accessoirement de prison. Sur un malentendu, un coup de feu éclate et s'en est fini de Mr de Launay, son gouverneur. Il ne pensait pas en se levant ce matin-là qu'il finirait en deux dans l'après-midi, sa tête plantée au bout d'une pique ...

La Révolution est en marche.

Les représentants des Etats Généraux, convoqués par Louis XVI, décident de se former en Assemblée Constituante après le 4 août qui vit l'abolition de la Monarchie Absolue. Louis XVI devenait Roi des Français et le pouvoir était désormais aux mains des représentants du peuple.

C'est dans cette période, le 10 octobre 1789, que Talleyrand propose la nationalisation des biens du clergé. L'idée était nationaliser les biens que le clergé possédait, les vendre pour apporter des recettes à l'état. Il ne s'agissait donc pas d'une nationalisation au sens où nous l'entendons aujourd'hui, mais bien d'une saisie-vente ! En contrepartie, les curés recevraient une rente de 1200 livres par an.

La motion, légèrement remaniée, est votée par la Constituante le 2 novembre 1789.

En parallèle, l'Assemblée suspendait le 28 octobre 1789, les voeux que les membres du clergé prononçaient. Le 13 février 1790, ils seront purement et simplement abolis et les ordres contemplatifs seront supprimés.

Le 12 juillet 1790, l'Assemblée Constituante vote à l'unanimité la Constitution Civile du Clergé. En moins d'un an, la révolution aura ainsi complètement transformé le visage de l'église en France.

En pratique

Depuis le 12 juillet 1790, les curés sont donc assimilés à des fonctionnaires.

Les deux faits majeurs les concernant sont :
  • ils ne sont désormais plus institués par le Pape
  • ils doivent prêter serment à la Constitution

On comprend que, même si les conditions de rémunération étaient particulièrement intéressantes (au minimum deux fois plus élevées que que dont ils disposaient auparavant), certains curés n'ont pas admis cet état de fait.

D'autant que le Roi Louis XVI tergiverse et que le Pape Pie VI, après avoir attendu plusieurs jours, fait savoir qu'il condamne la Constitution.

Mais arrive ce qui devait arriver : le décret d'application de la loi, paru le 27 Novembre 1790, contraint désormais tous les curés à prêter serment à la Constitution ... 

On aura donc dans le ci-devant Royaume de France, qui vient d'adopter depuis le 21 Octobre 1790, le drapeau bleu, blanc et rouge, deux familles de curés : les curés dits constitutionnels qui auront prêté serment, et les curés dits réfractaires, qui le refuseront.

Les deux cohabiterons quelques temps, mais la Terreur fera la chasse à ces derniers, s'illustrant par des massacres dont seuls les habitants actuels des lieux gardent la mémoire (les pontons de Rochefort, les massacres en Vendée, etc.).

Comment savoir à quel curé on a affaire ?

Comment savoir si on a affaire à un curé constitutionnel ou non ? Il suffit d'être attentif aux actes et aux registres. Je me souviens en particulier d'un acte de baptême de fin 1790 où le curé écrivait clairement qu'il faisait ce baptême en opposition claire à la constitution et qu'il assumait le risque.

Mais dans les autres cas, les entêtes de registres sont très parlantes. Prenons par exemple la paroisse de Béthisy-Saint-Pierre dans l'Oise où ont vécu une partie de mes ancêtres.

Pour l'année 1790, j'ai relevé :

Paroisse de Saint Pierre de Béthisy

Le présent Registre contenant vingt feuillets celui-ci compris, a été en exécution de la Déclaration du Roi du 9 avril 1736, registrée au Parlement le 13 juillet de la même année, par Nous Michel-Augustin LEFEVBRE, Conseiller du Roi, Lieutenant Particulier, Assesseur criminel au Baillage de Crépy en Valois, coté & paraphé par premier & dernier, en tête de chacun desdits feuillets, pour servir au sieur Curé ou Vicaire de la Paroisse de Saint Pierre de Béthisy à écrire, en conformité de ladite Déclaration, jour par jour, date par date, de suite, & sans laisser aucuns blancs, les Baptêmes, Mariages & Sépultures qu'il sera dans le courant de l'année mil sept cent quatre vingt dix, en ladite Paroisse.

Fait en notre Hôtel à Crépy en Valois, le vingt un Décembre mil sept cent quatre vingt neuf.

                                                                 Lefevbre

En cette fin 1789, tout est comme avant et l'entête semblait gravée dans le marbre.

Pourtant, un an plus tard, la Constitution Civile du Clergé est passée par là, comme l'atteste cette entête :

Paroisse de Saint Pierre de Béthisy

Le présent Registre contenant vingt feuillets, celui-ci compris a été par Nous Charles Dominique Thiria, l'un des cinq Juges du Tribunal de District de Crépy, coté et araphé par premier & dernier, en tête de chacun desdits feuillets, pour servir au Curé de la Paroisse de Saint Pierre de Béthisy à écrire, jour par jour, date par date, de suite, & sans laisser aucuns blancs, les Baptêmes, Mariages & Sépultures qu'il fera dans le courant de l'année mil sept cent quatre vingt onze, en ladite Paroisse.

Fait à Crépy, le vingt Décembre mil sept cent quatre vingt dix.

Thiria

On notera le glissement subtil : on ne suit plus l'ordonnance royale, mais la décision du Tribunal de District. Cette situation perdurera deux ans, puis, en 1793, tout est terminé :

 District de Crépy                               Département de l'Oise

Municipalité de Béthisy Saint Pierre

Registre pour servir à l'Officier public de la Municipalité de Béthisy St Pierre pour inscrire les Actes de Naissance des Citoyens de ladite Municipalité pendant l'année mil sept cent quatre vingt treize, en exécution de la Loi du 20 Septembre 1792, qui détermine le mode de constater l'état civil des Citoyens, contenant douze feuillets, cotés & paraphés par premier & dernier, par Nous Vice-Président du Directoire du District de Crépy, Département de l'Oise, ce vingt un Décembre mil sept cent quatre vingt douze l'an premier de la République Française

                                       Thiria

En l'espace de 3 ans, tout a donc basculé. Les curés constitutionnels continueront encore quelques temps à exister, mais il faudra attendre le Concordat de 1801 sous le Premier Empire pour que l'Eglise soit rétablie dans ses droits.

Encore une fois, la généalogie et la lecture des actes sont là pour nous rappeler notre histoire et nous faire toucher du doigt une réalité que nous avons apprise à l'école mais que nos ancêtres ont vécue !

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Pour aller plus loin : 


 

           

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