jeudi 4 avril 2013

Challenge A à Z - D comme Dix ans après


J'ai commencé il y a peu le relevé systématique des actes de baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse d'Hautefaye en Périgord. Hautefaye s'est rendue célèbre en 1870 car il y a été perpétré un crime odieux, suivi de l'exécution de 4 des participants (voir à ce sujet mon article "Quand l'Etat-civil ne dit pas tout").

Est-ce pour réhabiliter cette commune ou est-ce parce que nombre d'ancêtres de mon épouse y ont vécu ? Toujours est-il que je me suis pris de passion pour Hautefaye et que j'ai entrepris ce vieux rêve de dresser une cartographie dynamique de sa population sous Louis XV.

Mais revenons à notre article !

Vie à la campagne

Une première étude portant sur le ministère du curé Pierre Bourrinet qui a administré la cure de 1739 à 1762, m'a montré une très forte mortalité infantile puisque sur cette période, 50.6 % des décès concernaient des enfants de moins de 10 ans.

J'ai donc voulu regarder ce qui se passait pour une classe d'âge donnée, non seulement pour offrir à mes lecteurs ces quelques informations, mais également pour montrer que la généalogie pouvait mener très loin et, pourquoi pas, à s'appliquer à une paroisse entière.

Je suis parti des naissances relevées en 1747. Pourquoi cette année ? Parce que c'est celle qui en compte le moins et que, pour ce challenge, le temps étant une denrée précieuse, je ne pouvais pas la gaspiller en effectuant une étude plus longue.

En 1747, j'ai donc relevé 9 naissances :
  • Jean Mazeau, né le 31 janvier au village de Fayemarteau
  • Françoise Pougnen, née le 1er février au village de Fayemarteau
  • Anne Desoumagne, née le 7 février au bourg
  • Catherine Chesson, née le 16 février au bourg
  • Françoise Audigier, née le 31 mars au village de Fayemarteau
  • Marie Chavalarias, née le 20 avril au village du Grand Augeaud
  • Jeanne Thomas, née le 2 septembre au village de Fayemarteau
  • Léonard Delamongie, né le 15 septembre au village de l'Age
  • Jeanne Farges, née le 30 décembre au bourg
Premier constat, sur les 9 naissances de cette année, il y a 7 filles, ce qui n'est pas représentatif de la moyenne qui se situe à 50% de garçons et 50% de filles.

Deuxième constat, les professions des parents de ces enfants son assez diverses, mais très intéressantes (j'en parlerai dans un autre article). J'ai relevé : 4 cloutiers, 3 laboureurs, 1 tireur de mines (ancien nom pour mineur) et 1 charpentier. J'ai d'ailleurs constaté que "tireur de mines" n'était pas apparemment un métier à plein temps car des personnes pouvaient être tireur de mine ET laboureur. Sans doute un moyen d'arrondir les fins de mois.

L'objet de l'article est "Dix ans après". Alors, que s'est-il passé pour ces 9 enfants de la promotion 1747 ?

Et bien, les statistiques ont été presque respectées car :
  • Jean Mazeau est décédé le 16 novembre 1747 à l'âge de 10 mois
  • Françoise Pougnen est décédée le 2 novembre 1747 à l'âge de 8 mois
  • Anne Desoumagne est décédée le 29 avril 1753 à l'âge de 7 ans
  • Catherine Chesson est décédée le 5 mars 1747 à l'âge de 20 jours
  • Françoise Audigier est décédée le 17 janvier 1748 à l'âge de 10 mois
  • Marie Chavalarias vivait toujours en 1757
  • Jeanne Thomas vivait toujours en 1757
  • Léonard Delamongie est décédé le 16 janvier 1748 à l'âge de 4 mois
  • Jeanne Farges vivait toujours en 1757
On a donc 6 décès sur 9, soit 67% de décès avant l'âge de 10 ans.

A ce jour, je n'ai pas trouvé de traces de Marie Chavalarias ni de Jeanne Thomas, en revanche, Jeanne Farges s'est mariée le 3 février 1768 avec Jacques Chaulet, alors âgé de 33 ans.

Ainsi, sur cette classe d'âge, Dix ans après, seules 3 filles avaient survécu, dont une au moins parviendra à l'âge adulte et se mariera.

On peut noter que les 3 filles en questions sont nées et ont grandi dans des villages différents et qu'elles n'avaient pas de raison particulière de se fréquenter. Mais il existe sûrement d'autres cas où les enfants grandissant dans le même village se fréquentent même à l'âge adulte (pour ceux qui y parviennent) et, sans aller jusqu'à se marier entre eux, il est intéressant de voir s'ils contractent ensemble, sont parrain ou marraine, ou ont la même occupation.

Cette étude "Dix ans" après, qui peut être étendue à "Vingt ans" ou "Trente ans" après, est donc loin d'être anecdotique et peut permettre de dresser, comme je le disais plus haut, l'arbre généalogique d'une paroisse. Tous les liens sociaux pouvant exister entre les personnes créant une communauté, cela peut permettre de comprendre les alliances entre familles ou les raisons de mouvements de population. Bref, une passerelle toute trouvée vers la sociologie et l'ethnologie !


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Pour aller plus loin :


           

4 commentaires:

  1. Je commence l'aventure avec Availles à partir des recensements tout en incluant mes relevés. Gros challenge... J'ai lu quelque part (mais où ?) que les BB filles survivaient mieux que les petits garçons. Pourquoi donc ?
    Amicalement.

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    1. Je ne sais pas pourquoi les filles survivent mieux que les garçons. En fait, j'ai lu quelque chose à ce sujet mais je suis incapable de donner la source de l'info, ni d'en attester la véracité : les femmes, du fait qu'elles accouchent sont plus sujettes à des morts "jeunes" (et ce depuis des millénaires). Donc, celles qui survivent à ces épreuves sont génétiquement plus fortes et avec le temps, cette caractéristique se serait transmise, ce qui expliquerait non seulement ce phénomène, mais également la plus grande longévité des femmes ...

      Quant au travail sur l'étude d'une paroisse ou d'une commune, c'est un travail de dingue, surtout sous l'Ancien Régime car pas de TD ... Mais dans l'état actuel de mes recherches, j'ai découvert des choses passionnantes ! Que je ferai partager quand je serai prêt :-)

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  2. C'est vraiment très intéressant comme recherches. Bravo pour ce travail !
    J'aimerais beaucoup faire ce type de recherches sur les communes de mes ancêtres. Je manque un peu de temps en ce moment (j'ai déjà trop de projets en cours !) mais je garde cette idée en mémoire pour plus tard !
    Elise

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  3. Très bonne introduction à la démographie historique.
    A propos du laboureur mineur : dans l'Hérault, lorsque les mines de charbon ont été découvertes (à la révolution) les compagnies ont commencé par embaucher les paysans locaux, qui continuaient malgré tout les travaux des champs et allaient travailler à la mine quand bon leur plaisait, ce qui a occasioné des plaintes des ingénieurs aux compagnies sur la difficulté de trouver du personnel motivé sur place. D'où l'idée émise par la suite de faire venir du personnel d'autres régions et pays.


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