mardi 30 juillet 2013

En latin dans le texte


Je le disais dernièrement, mes recherches m'ont conduit à découvrir l'acte de baptême de Catherine Boullain, le 20 mars 1605 à Changé-lès-Laval (Mayenne). Jusque là, rien que de très normal, si ce n'est peut-être l'ancienneté de l'acte car, il n'est pas hélas si fréquent de pouvoir plonger dans des registres aussi anciens.

La vraie nouveauté pour moi était de découvrir un acte en latin !

Je me souviens en effet de mon excitation la première fois que j'ai trouvé un acte datant de la période révolutionnaire : je voyais pour la première fois un texte manuscrit parlant de "citoyen", de mois en -ôse et d'année républicaine.

Puis, chemin faisant, ce type d'acte devint courant, au fur et à mesure que mes recherches avançaient.

Un jour arriva où je franchis la barre symbolique (pour moi) de l'année 1700. Je voyais des textes datés de 1600 et quelques et, au départ surpris par la graphie de ces documents, je finissais par m'habituer. Les moments les plus pénibles de cette phase étaient quand je me confrontais à la disparition brutale de sources aux environs de l'an 1668 (les généalogistes savent pourquoi ...). Evidemment, avant cette date, bien que l'ordonnance de Villers-Cotterêts l'exigeât depuis 1539, l'inscription sur des registres des baptêmes, mariages et sépultures restaient généralement à la discrétion du curé.

Scène de baptême


Toutefois, quelques curés bien attentionnés (surtout dans le nord-ouest du Royaume), tenaient régulièrement des registres. Mais le temps ayant fait son oeuvre, ils étaient souvent lacunaires et il m'était impossible de remonter au-delà des années 1630-1640.

Pourtant, je me prenais à rêver à cette époque où je pourrai tenir dans mes mains (ou en tout cas voir sur mon écran), un acte antérieur à 1600, autre barrière symbolique !

Seulement, j'avais oublié une chose : dans ces régions de l'ouest, les actes étaient rédigés en français seulement depuis les années 1610-1620 (donnée imprécise qui n'engage que moi et qui est le constat que j'ai fait sur les quelques paroisses que j'ai étudiées), avant, le latin était la langue officielle des actes !

Je dois avouer que la lecture de l'acte de baptême de Catherine Boullain a été pour moi un moment de rare bonheur (les généalogistes qui me lisent savent de quoi je parle) car, à la joie d'avoir trouvé un acte complétant ma généalogie, je lisais un acte datant du règne d'Henri IV et rédigé dans cette langue qui est qualifiée de "morte" depuis des années.

Poussé par mes recherches, j'ai trouvé d'autres actes de baptême (mes recherches m'ont montré que ce sont souvent les baptêmes qui étaient notés, les sépultures et les mariages semblant secondaires; peut-être parce que le baptême permet de sauver l'âme et est donc réellement fondamental ?) et j'ai constaté que les actes étaient finalement très similaires.

Ainsi, moyennant quelques connaissances de base sur les nombres ordinaux et cardinaux, sur les mois et les jours, la lecture d'actes de baptême en latin ne pose pas de réelles difficultés. Voici donc quelques données à connaître pour s'y retrouver.

1) Structure de l'acte

Les actes de naissance sont finalement très simples.

Ils contiennent la date, le nom de l'enfant, celui de ses parents et de ses parrain et marraine. Eventuellement, on trouvera le nom du curé ayant réalisé le baptême, mais cela n'est pas systématique.

Un acte basique aura donc la forme suivante :

Le <jour, mois, année> a été baptisé(e) <prénom du ou de la baptisé(e)> fils/fille de <prénom et nom du père> et de <prénom et nom de la mère> sa femme, nommé(e) par <prénom et nom du parrain> et <prénom et nom de la marraine>

2) Quand les femmes n'existaient qu'à travers les hommes

Le problème est que sur les actes anciens (pour ce que j'ai pu voir, avant 1610), la femme n'existait qu'à travers son mari ou son père. En d'autres termes, ne figurait sur l'acte que son prénom suivi d'une mention indiquant de qui elle était la fille ou l'épouse.

On aura par exemple la locution "et a Johanna eius uxoris" qui signifie "et à Jeanne son épouse". Ce qu'il faut espérer c'est que le couple aura plusieurs enfants et que sur les actes de baptême les plus récents figurera son patronyme, ce qui donnera par exemple "et a Johanna Fournier uxor" qui signifie "et à Jeanne Fournier, épouse".

3) Un peu de vocabulaire utile

Le vocabulaire de base à connaître par coeur pour lire un acte de baptême en latin est assez restreint. Pour une liste assez complète qui donne également les nombres ordinaux et cardinaux ainsi que les jours de semaine, les mois ou tout le vocabulaire traitant des baptêmes, mariages et sépultures, vous pourrez aller sur le site de Geneafrance qui est très bien fait.

Sinon, pour les baptêmes, on retrouve toujours :

"Dies <quantième> mensis <mois> anno domini <année>" ou
"Dies <quantième> mensis <mois> anno ut supra"où "anno ut supra" signifie "année que dessus", lorsque le curé ne voulait pas s'embêter à indiquer l'année ...

"Baptisatus ou baptisata fuit" qui signifie "fut baptisé ou fut baptisée"

"Renatus ou renata" qui signifie littéralement "re-né ou re-née" car pour les chrétiens le baptême est une renaissance où on devient un nouvel homme ou une nouvelle femme. On peut traduire cela par "nommé(e)" car le fait de renaître dans le baptême est symbolisé par le fait d'avoir un nouveau nom. Cette mention "renatus" ou "renata" pour les filles précède la mention des noms des parrain et marraine.

Enfin, on retrouve les mots "uxor" épouse, "filius" fils ou "filia" fille pour désigner la statut de la personne citée dans l'acte.


4) Cas pratique, Catherine Boullain, baptisée le 20 mars 1605

L'acte de baptême de Catherine Boullain est, en version originale :

Source AD Mayenne


Sa transcription donne :

"Vigesima mensis martii anno ut supra
baptisata fuit katharnia mathei
boullain et a johanna fournier uxor
filia renata magister boullain vicario et
a katharnia michaeli fournier uxor"

Autrement dit, littéralement :

"le vingtième du mois de mars, année comme dessus
fut baptisée catherine de mathieu
boullain et de jeanne fournier épouse
la fille, re-née par maître boullain curé et
catherine de michel fournier épouse"

Ou, en francisant le tout :

"le vingt mars de l'année ci-dessus (1605)
fut baptisée Catherine fille de Mathieu Boullain
et de Jeanne Fournier son épouse
nommée ainsi par maître Boullain curé et
par Catherine, épouse de Michel Fournier"


Et voilà, vous êtes maintenant prêt à plonger dans les actes des années 1600 et, pourquoi pas, de la seconde partie du XVIème siècle !

Si cet article vous a été utile, n'hésitez pas à le partager.

Pour aller plus loin : 

           

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    Article à mettre en favoris ! J'avais songé à faire un article du même genre listant les mots les plus courant (avec l'allemand en plus) mais mes compétences en latin (et en allemand) laissent à désirer ;-)
    En alsace, le latin n'est pas si difficile à trouver : lorsque l'état civil fait défaut, les actes religieux sont de toute façon écrits en latin...Donc au delà de 1780, on travaille avec du latin...
    Bonne continuation
    --
    Fabrice
    arbogastearbogast.blogspot.fr

    RépondreSupprimer