mardi 29 janvier 2013

AD Charente : accès payant ou non ?


Les débats récents qui ont animés la blogosphère ainsi que les milieux généalogiques au sujet de la mise en ligne des archives disponibles en Charente moyennant le paiement par les internautes d'une contribution, m'ont amenés à quelques réflexions.

En effet, mon activité professionnelle me fait en permanence travailler sur cette notion de monétisation d'une activité, en d'autres termes, quel est le meilleur Business Model pour une entreprise. En fait, même s'il s'agit d'un thème cher à l'entreprise, au sens de société, il peut s'appliquer à toute sorte d'association pour peu qu'elle souhaite tirer des revenus de son activité.

Je ne suis pas juriste ni spécialiste en fiscalité, mais voici ma compréhension du problème. Nous avons un Département, en l'occurrence celui de la Charente qui dispose de produits (des actes, des registres, des plans, etc.). La loi dit que ces documents sont libres d'accès. Le site physique des Archives Départementales de la Charente propose déjà à tout un chacun de venir se rendre dans ses locaux pour y consulter les documents cités plus hauts (avec j'imagine quelques restrictions pour les documents les plus fragiles).
La technologie évoluant, le département de la Charente a décidé de mettre en ligne ces documents pour que leur diffusion soit plus facile et sans limite d'horaires, suivant ainsi le mouvement lancé par plusieurs départements il y a quelques années déjà.
Là où la polémique arrive c'est que le Département souhaite faire payer aux internautes l'accès à ces documents en ligne par le principe d'abonnements offrant un accès pendant une certaine durée, le montant de l'abonnement étant fonction de la durée choisie.

Site des AD Charente - crédit www.cg16.fr

Pour mémoire, et sauf erreur de ma part, seul le département du Calvados procède ainsi, les autres département ayant opté pour la gratuité de la consultation.

J'espère avoir bien résumé la situation ...

Voici donc mes remarques, qui n'engagent que moi, et qui sont quand même fortement teintées de ma culture entrepreneuriale.

1) Thèse ...

Premièrement, si je ne m'abuse, la loi parle du libre accès, pas nécessairement de la gratuité. Même si nous sommes en France et que nous parlons français, je retrouve là l'ambiguïté de la traduction du mot anglais "free" qui veut dire "libre" mais aussi "gratuit". Les connaisseurs de l'industrie du logiciel savent de quoi je parle car ce n'est pas parce que certains logiciels sont "libres" qu'ils peuvent et doivent automatiquement être "gratuits".

Ensuite, les AD indiquent que le paiement d'un abonnement ne concerne que l'accès des archives via internet. L'accès de ces mêmes archives en salle de lecture est toujours gratuit (j'en sais quelque chose, ayant traîné mes guêtres en ces lieux à de très nombreuses reprises). L'argument se complète en indiquant que le montant de l'abonnement est sans commune mesure avec le coût engendré par un déplacement physique aux dites archives à Angoulême.

Enfin, la raison mise en avant pour justifier du paiement d'un tel abonnement est le coût auquel le département a dû faire face pour le mise en ligne. Il est certain que même si le travail de numérisation a dû être fait gratuitement pour partie par les Mormons, il n'en reste pas moins que la mise en place de toute l'infrastructure (serveurs, bases de données, locaux, informaticiens, logiciels d'interface, etc.) n'est pas gratuite et que cela représente une certaine somme.

On a donc,a priori, plusieurs éléments qui convergent et qui justifient l'opération des AD de la Charente.

2) Antithèse ...

Mais, car il y a toujours un (voire des) mais ...

Sur les quelques dizaines de départements français ayant déjà mis en ligne leurs archives, seul le Calvados (et maintenant la Charente) proposent un accès payant. Pourquoi se singulariser ? Certes, le Business Model de l'abonnement est un des meilleurs car il garantit des revenus réguliers et permet donc de bâtir un Business Plan avec des données stables. D'autant que, par nature, il ne s'agit pas d'une activité disposant d'une concurrence élevée (il y a peut-être ici et là quelques initiatives émanant de cercles généalogiques, mais peut-on parler de concurrence ?).

Cela suppose donc que le but du département est de monétiser son site pour générer des revenus. Ces revenus venant en compensation des dépenses dont j'ai parlé plus haut. Mais il existe d'autres moyens de monétiser un site : on peut y mettre de la publicité, on peut proposer des services particuliers payants (envoi de copies d'actes, éditions de plans en couleur et à l'échelle, etc.), etc.. . Et, rappelons-le, le but de la monétisation d'une activité est la création de revenus. Est-ce le but d'un entité publique comme l'est un département ? D'autant qu'il semble que les revenus générés par cette méthode soit, au final, assez faibles en regard des dépenses et des frais engagés ...

Enfin, même si les montants demandés sont relativement modestes, ils peuvent être jugés discriminatoires : certaines personnes ne pourront pas accéder au site en ligne car elles ne disposeront pas des moyens suffisants. On peut également ajouter que la mise en place d'une plateforme gérant les paiements coûte de l'argent, ce qui contribue à augmenter les besoins financiers du département.

3) Synthèse !

Au regard de ces différents éléments, je pense donc que, si la mise en place d'un abonnement payant a un sens économique car c'est sans doute un Business Model efficace, il n'en reste pas moins que les AD de la Charente ne sont pas une entreprise comme les autres et qu'elles n'ont sans doute pas une nécessité vitale à procéder de la sorte.

Par ailleurs, l'argument qui consiste à dire que le montant de l'abonnement est très sensiblement inférieur à celui qui serait engendré par un déplacement en salle de lecture n'a, à mon avis, pas de sens, dans la mesure où on compare deux choses qui ne sont pas comparables : d'un côté on a une fonction de base (l'accès à la salle de lecture avec potentiellement toutes les archives du département à disposition), de l'autre côté on a un service permettant d'accéder à n'importe quel moment de la nuit ou du jour à certaines archives (en l'occurrence les registres paroissiaux et d'état-civil). 

Pour conclure, je pense donc que la mise en place d'un accès payant à ces archives est une mauvaise idée et même si je comprends cette action sur un plan strictement entrepreneurial, je ne l'approuve pas venant d'un service public.


Et vous, quel est votre point de vue sur la question ?

Quelques lectures utiles :



      

mardi 22 janvier 2013

Quand l'année ne dura que 100 jours


Lorsqu'on effectue des recherches généalogiques, on commence généralement par les années 1900. Ces années, pour les plus âgés d'entre nous, nous sont familières car c'est généralement dans ce siècle que nous sommes nés et que nous avons passé notre jeunesse.

Puis on passe 1900 pour arriver dans le XIXème siècle. C'est un des plus complets car non seulement on dispose de tous les documents dont on peut rêver, mais en plus, on est suffisamment loin dans le temps pour pouvoir consulter tous les documents, sans restriction.

Et puis, les régimes se succèdent et semblent accélérer jusqu'à arriver à cette chose que l'on a apprise à l'école sans l'avoir jamais réellement pratiquée : le calendrier républicain.
J'ai déjà parlé de ce calendrier et de cette période dans l'article "La Révolution Française : Barrière de corail généalogique". Aussi, ceux qui veulent en savoir un peu plus peuvent s'y rapporter.

Mon propos d'aujourd'hui est de toucher du doigt l'événement qui a marqué une génération d'hommes et de femmes, l'abolition de ce calendrier pour revenir au calendrier grégorien, abandonné 13 ans plus tôt.

Le 24 fructidor XIII, Napoléon Ier met fin au Calendrier Révolutionnaire

Même si je suis persuadé que ce calendrier révolutionnaire ou républicain n'est jamais complètement rentré dans les moeurs (j'en veux pour preuve nombre de documents privés qui, même en l'an XII ou XIII continuent de donner des dates grégoriennes), il reste quand même que sa suppression a eu une forte portée symbolique : il mettait officiellement fin à la Révolution Française.

Au gré de mes recherches, j'ai donc retrouvé ce moment clef.

Le 10 nivôse an XIV, Louis Nicolas Lefebure Dufayet, officier de l'état-civil de la commune de Beauvais enregistre un acte historique. Il est 11h du matin et il reçoit Jacques Maupetit, compagnon teinturier, âgé de 32 ans et Charles Jean Baptiste Villers, maître cordonnier, âgé de 30 ans.

Ceux-ci apportent une triste nouvelle : la petite Marie Catherine Victoire Maupetit, fille de Jacques Maupetit et âgée de 18 mois, est décédée la veille à 17h chez ses parents.

Mais cela sera en fait l'avant-dernier acte de l'année XIV, une année de 100 jours seulement.

En effet, c'est une autre mort qui attend Louis Nicolas Lefebure Dufayet. A la fin de la journée, alors qu'il est certain de ne plus être dérangé, il va à son bureau, prend une plume et écrit :

L'article quatre du décret impérial du vingt quatre fructidor an treize portant suppression du nouveau calendrier le présent registre a été arrêté par nous adjoint à la mairie soussigné faisant les fonctions d'officier de l'Etat-civil de la ville de Beauvais.
Fait à Beauvais le dix nivôse an quatorze, à huit heures du soir.

Il relit le texte une seconde fois et s'assure qu'il n'y a pas de faute. Il repose sa plume, éteint sa bougie et s'en va.

Il vient d'écrire, comme quelques milliers de ses collègues au même instant, l'acte de décès de la Révolution Française. Elle était certes morte quelques années auparavant, mais cet acte marque un point final à cette période intense qui a bouleversé la France mais aussi l'Europe entière.

Une nouvelle ère va commencer désormais. Plus stable pense-t-on alors.

Le lendemain, quelque chose a changé. Nous ne sommes pas le 11 nivôse an XIV, mais bien le 1er janvier 1806. Les choses ont repris leur cours, comme si la Révolution Française n'avait été finalement qu'une parenthèse.

C'est pourquoi, ce mercredi matin, Louis Nicolas Lefebure Dufayet arrive à son bureau de la mairie de Beauvais, allume un feu, s'installe à son bureau, prend une nouvelle plume et écrit :

Conformément à l'article quatre du décret impérial du vingt quatre fructidor an treize, le présent registre pour ce qui reste à remplir, servira à l'inscription de tous les actes de l'état-civil qui auront lieu en la ville de Beauvais à compter de ce jour premier janvier mil cent six, jusqu'au trente un décembre de la même année inclusivement.
Fait à Beauvais le premier janvier mil huit cent six à neuf heures du matin.

Après avoir noté le décès du calendrier révolutionnaire la veille, il note un acte de naissance, celui du nouveau calendrier.

La journée sera calme, à peine troublée par la visite d'Antoine Carré vers 13h. Cet homme, il le connaît bien car c'est un membre de la commission administrative des hospices civils de la commune de Beauvais. Il vient lui notifier le décès d'Eustache Pamier, 74 ans, qui s'est produit ce matin vers 5h.

Par un curieux hasard du calendrier (!) la commune de Beauvais n'aura pas eu de naissance ou de mort le 10 nivôse an XIV déclarées le 1er janvier 1806.

Et par un autre clin d'oeil de l'histoire, l'année XIV qui a vue la fin symbolique de la Révolution Française a duré 100 jours. 100 jours qui signeront également la fin de l'Empire 9 ans plus tard ...


Et vous, avez-vous retrouvé ces traces tangibles des événements historiques ?

Pour aller plus loin : 



           

jeudi 17 janvier 2013

L'effet labyrinthe


Il paraît que ce sont les Crétois qui ont inventé le labyrinthe. Certaines légendes en attribuent la paternité à Dédale qui a voulu enfermer le Minotaure au bout d'un enchevêtrement de galeries. Le système était si complexe qu'il ne pouvait pas s'échapper.

Et, si on applique ce concept à la généalogie, on trouve des similitudes.

Ainsi, lorsque j'ai décidé de me lancer à l'assaut de l'ascendance de Pierre Jodeph Leclerc dont j'ai maintes fois parlé dans ce blog, je me suis dit (avec un peu de légèreté je l'avoue) que j'allais plier l'affaire en quelques jours car je connaissais la date approximative de sa naissance (1768), le lieu (Beauvais) et le nom de ses parents. Bref, un faisceau d'éléments qui, normalement permettent d'avancer rapidement.


Mais, c'était sans compter sur l'effet labyrinthe ...

Que nous dit Wikipedia :

De nos jours, le terme de labyrinthe désigne une organisation complexe, tortueuse, concrète (architecture, urbanisme, jardins, paysages...) ou abstraite (structures, façons de penser...), où l'homme peut se perdre. Le cheminement du labyrinthe est difficile à suivre et à saisir dans sa globalité.
Un curieux sentiment de déjà vu m'a étreint car, contrairement à ce que je croyais, les choses sont beaucoup, mais alors, beaucoup plus complexes (comme quoi, après 20 ans de généalogie amateur, on apprend toujours).

En effet, après plusieurs semaines de recherches où en suis-je :
  • aucune trace de Pierre Joseph Leclerc à Beauvais, ou plutôt, dans les 25 paroisses ou collégiales de cette ville
  • j'ai trouvé les actes de décès de ses parents, mais non filiatifs et très succints (ils sont morts à l'Hospice des Pauvres)
  • aucune trace du mariage de ses parents
  • une trentaine de Comedé de relevés, surtout dans la paroisse Saint-Etienne
  • environ 200 Leclerc relevés, surtout dans la paroisse Saint-Sauveur

Et surtout la très désagréable sensation d'être perdu dans un labyrinthe avec des impasses, l'impression d'être déjà passé par là et des fausses pistes en forme de mirage. En voici deux exemples.

Homonymie trompeuse :
Les parents de Pierre Joseph Leclerc sont Pierre Joseph Leclerc, né vers 1721 et décédé le 11 ventôse an III (1er Mars 1795) et de Victoire Comedé, née vers 1732 et décédée le 4 messidor an IV (22 juin 1796).
J'en ai donc déduit qu'ils se sont mariés entre 1747 et 1768 (1747 = 1732 + 15, âge le plus tôt selon moi auquel Victoire Comedé aurait pu se marier et 1768, année supposée de naissance de Pierre Joseph fils).

En cherchant dans les différents registres, j'ai trouvé la naissance de Marie Madeleine Henry le 15 août 1769 du mariage d'Eustache Henry et de Louise Victoire Comedé. Ce qui m'a fait regarder cette naissance de près c'est le prénom de la mère ...

Hypothèse 1 : Eustache Henry est le second mari de Louise Victoire Comedé (veuve supposée de Pierre Joseph Leclerc, qui serait alors décédé au moment de la naissance de son fils), or on sait que Pierre Joseph Leclerc père est décédé en 1795. Donc fausse piste !

Hypothèse 2 : Eustache Henry est décédé dans les mois qui ont suivi la naissance de sa fille et Louise Victoire s'est remariée avec Pierre Joseph Leclerc et a eu Pierre Joseph fils dans la foulée. L'avantage de cette hypothèse est qu'elle peut fonctionner, en faisant naître Pierre Joseph Leclerc vers 1770. Mais aucune trace ni du décès d'Eustache Henry, ni du remariage de Louise Victoire Comedé, ni de la naissance de Pierre Joseph fils. Donc, re-fausse piste !

Ces deux hypothèses tombant à l'eau, le mirage Louis Victoire Comedé et Victoire Comedé sont une seule et même personne disparaît.

Fantomas se déchaîne
Par ailleurs, lors de mes nuits de recherches, j'ai crû avoir trouvé autre une piste. En effet, j'ai trouvé :
  • la naissance de Marie Anne Félicité Leclerc, fille de Pierre Joseph Leclerc et de Victoire Comedé le 3 mars 1767, dans la paroisse de Saint-Martin de Beauvais
  • la naissance de Jean Philippe Leclerc, des mêmes parents, le 21 août 1769, toujours paroisse Saint-Martin de Beauvais
Tous ceux qui ont trouvé une telle piste après des dizaines d'heures de recherches comprennent parfaitement ce que j'ai ressenti ! Mais, alors que Fantomas était sur le point d'être capturé, il a disparu. Traduit en termes généalogiques, cela signifie que ni avant, ni après je n'ai trouvé d'actes concernant ce couple !

Le pire dans cette affaire est que mon Pierre Joseph est supposé être né vers 1768 et je lui ai trouvé une soeur née en 1767 et un frère né en 1769, mais rien au milieu ni aux alentours !

Encore une impasse labyrinthique !

Alors, comment faire pour garder son calme et ne pas avoir envie de jeter son PC par la fenêtre ? Tout reprendre à zéro ... En langage labyrinthique, cela s'appelle repartir du départ et procéder avec méthode.

J'ai donc fait le pari que le ou les frères et soeurs de Pierre Joseph étaient restés à Beauvais, et qu'il avaient eu une descendance ... J'ai donc commencé à fouiller les tables décennales de la municipalité de Beauvais ...

Pour le moment, je n'ai rien trouvé, mais je fouille aussi du côté Comedé, me disant qu'il y aura peut-être un acte me citant l'un ou l'autre parent.
Dans mon malheur, j'ai vu que lors de la naissance des deux enfants du couple, Pierre Joseph Leclerc était dit manouvrier et sa signature démontre un niveau d'éducation assez faible (compatible en tout cas avec son métier de manouvrier). C'est donc quelqu'un qui a dû être itinérant, vivant là où son travail l'appelait. Il est donc possible que la suite de cette histoire s'écrive en dehors de la ville de Beauvais.


Voilà donc comment on peut être très facilement victime de ce que je nomme pompeusement l'effet labyrinthe, et qui arrive plus souvent qu'on le pense. Cela dit, je me dis que le jour où je trouverai la solution à cette énigme, cela sera un moment d'intense bonheur !


Et vous, êtes-vous aussi victime de l'effet labyrinthe ?

Pour aller plus loin :


           

mardi 15 janvier 2013

Abandon d'enfants sous l'Empire


En fin d'année dernière et lors de mes bonnes résolutions pour 2013 j'annonçais mon souhait de travailler sur les enfants abandonnés pendant l'Empire à l'Hospice des Pauvres de Beauvais.

Dit comme ça, cela fait très sujet de thèse, mais je n'ai ni la prétention ni les moyens intellectuels de fournir un travail de ce niveau. Non, c'est seulement que la découverte de quelques actes lors de mes recherches m'ont donné envie d'en savoir plus.


Voici donc comment je compte procéder.

1) Trouver la bonne durée

Napoléon Bonaparte est devenu 1er Consul en 1799 mais n'a été couronné Empereur des Français qu'en 1804.

Si je considère la Première Restauration commune une virgule de l'histoire, l'Empire s'est terminé en 1815.

Je vais donc, dans un premier temps, circonscrire mes recherches sur la période qui s'étend de 1804 (ou plus précisément l'an XII) à 1815.

Cela est suffisamment long pour y trouver, je pense des choses intéressantes, et suffisamment court pour que je puisse présenter mes résultats en cours d'année. Ensuite, en fonction des vents, je me laisserai ou non porter, soit vers les débuts de la Révolution (cela doit être intéressant de mesurer la situation en période de trouble public), soit vers la Seconde Restauration.

2) Méthodologie de recherche

Je vais commencer, année par année, à éplucher les résumés annuels des registres de l'état-civil de Beauvais car les officiers dudit état-civil ont eu la bonne idée de faire, à chaque fin d'année, une synthèse, sorte de table annuelle séparant les enfants légitimes, les enfants naturels et les enfants abandonnés.

Cela devrait aller assez vite car il ne s'agira à cette étape que de transcrire les noms et les dates de naissance sur un magnifique tableau Excel ...

Ensuite, je vais rechercher les actes de naissance sur les registres et renseigner mon tableau avec les éléments suivants :
  • année
  • numéro de l'acte
  • nom de l'enfant
  • date de l'enregistrement
  • description physique
  • description des vêtements portés
  • âge de l'enfant au moment de son abandon
  • heure relevée lors de sa découverte par le surveillant ou la surveillante de l'Hospice
  • transcription de l'éventuel mot accompagnant l'enfant
  • quelques notes sur les recherches
Ces éléments me semblent assez exhaustifs car les deux premières années que j'ai commencé à traiter (et oui, j'ai déjà commencé) fonctionnent bien dans ce tableau.

Une fois ce travail effectué, je vais essayer, je dis bien essayer, de retrouver l'acte de naissance original de l'enfant. En effet, lorsqu'un enfant est abandonné, il se passe deux choses : il reçoit le statut d'enfant abandonné, et sa date de naissance devient celle de son enregistrement. Or, dans tous les cas, on connaît l'âge approximatif de l'enfant et il suffit alors (quel nombre d'heures de travail se cache derrière de "il suffit" ?) de chercher les naissances dans les communes avoisinantes ...

Enfin, je vais tâcher de suivre le destin de ces enfants ... L'étude qui a été faite sur un hospice similaire à la fin de l'Ancien Régime montrait un taux de survie de 25% ... Toutefois, j'ai déjà retrouvé une femme mariée issue de cet hospice ... Bien sûr, je ne saurai pas tout, car certains auront déménagé, et puis, bien entendu, je ne saurai jamais s'ils ont entrepris des démarches pour retrouver leurs parents.
En tout cas, ce qui est avéré, c'est que certaines femmes démunies abandonnaient leurs enfants officiellement, pour les reprendre officieusement comme nourrice et ainsi percevoir une rémunération ...


3) Y a plus qu'à ...

Voilà, je me lance car je ne peux plus reculer !

Mais, comme je le disais plus haut, j'ai déjà commencé. En fait, j'ai fait l'étape du recensement et du remplissage de mon tableau pour les années XII et XIII.

Et j'ai déjà trouvé quelques informations intéressantes.

Premièrement, la très large majorité des abandons avaient lieu vers 22h. Pourquoi si tard ? Probablement pour ne pas être vu. Ensuite, ce sont majoritairement des nouveaux-nés ou des petits bébés.
Se pose donc le problème de l'abandon des "grands". J'ai un fils de 3 ans, et je peux vous garantir qu'on ne s'en débarrasse pas aussi facilement ... J'avais bien une petite idée, et elle a été confirmée par le début d'un des actes :
Une femme paraissant âgée de trente à trente cinq ans était entrée chez le portier dudit hospice et y avait déposé un enfant en disant qu'elle allait lui chercher un gâteau, et que depuis ce temps, cette femme avait disparu (…)
Je vais paraître sensible, mais je vous avoue que la lecture de cet acte m'a remué. J'imaginais le déchirement de la mère s'éloignant, le petit enfant (en l'occurrence une petite fille d'un an ...) se demandant ce qui se passait, la première nuit sans sa maman, au milieu des pleurs et des cris des autres enfants. Bref, il suffit de lire Hugo et les aventures de Cosette et des Misérables pour se plonger dans l'époque, et se rendre compte que finalement Hugo n'a fait que décrire ce qui se passait ...

J'ai également vu que la très grande majorité des abandons l'étaient pour raison économique et que c'était la pauvreté cumulée avec l'absence de contraception qui poussaient les mères à abandonner leur enfant.

Enfin, chose que je n'avais pas mesurée jusqu'à présent, c'est que pour la plupart des gens (en tout cas pour ceux qui abandonnaient leur enfant, donc issus des classes les plus populaires), les dates se disaient dans l'ancien style, un peu comme si le calendrier républicain n'était finalement qu'un outil administratif existant pour noter les événements officiels mais pas ou peu utilisé dans la vie courante. Ce qui me fait dire que l'abandon de ce calendrier par Napoléon Ier le 1er janvier 1806 n'a finalement dû choqué personne (d'autant plus que la plupart des révolutionnaires qui en étaient les instigateurs avaient péri par là où ils avaient péchés : la guillotine ...)

Voilà donc du grain à moudre pour les mois à venir !


Et vous, avez-vous eu des envies d'études plus poussées sur des sujets découverts lors de vos recherches ?

Pour aller plus loin : 


           

jeudi 10 janvier 2013

La Révolution Française : Barrière de corail généalogique ...


Le principal risque auquel les généalogistes et les historiens sont confrontés est, qu'à force de travailler sur une période ou sur un lieu, ils acquièrent une véritable expertise dans leur domaine et ils oublient que les autres n'ont pas le même niveau de connaissance.

Je suis comme ça et j'ai remarqué que je considérais souvent comme acquises par mes interlocuteurs, des informations ou des notions qui en fait n'étaient connues que de moi et de quelques passionnés ou professionnels !

C'est ce qui se passe avec la Révolution Française. Je suis certain que tous ceux qui vont lire ce billet connaissent les grandes dates de cet événement qui a remis à plat tout le fonctionnement du pays, mais il y a également un nombre incroyablement élevé de personnes qui ignorent beaucoup de choses sur cette période et qui sont donc décontenancées lorsqu'elles arrivent à cette période de notre histoire dans leurs recherches généalogiques.

Le Serment du Jeu de Paume

Je ne suis pas professeur d'histoire et n'ai pas de compétences particulières en ce domaine (si ce n'est une passion qui m'a prise à l'adolescence ...), mais je souhaitais partager ici quelques informations qui me semblent importantes.

Alors en route pour la France de la fin du XVIIIème siècle.

1) Les dates

C'est sans doute l'aspect le plus connu de la Révolution Française, celui qui a consisté à imposer aux Français un calendrier commençant le 22 Septembre 1792 (1 Vendémiaire an I).
Les mois du ci-devant calendrier grégorien ont été remplacés par des mois de 30 jours chacun, et 5 ou 6 jours dits "complémentaires" venaient compléter le tout pour arriver à des années de 365 ou 366 jours.

Petit rappel, les mois se basaient sur des phénomènes socio-météorologiques car, et ce qui va servir de fil rouge à toutes les "innovations" de cette période, la raison devait triompher de tout !
On a donc :
  • vendémiaire : le temps des vendanges (septembre-octobre)
  • brumaire : le temps des brumes (octobre-novembre)
  • frimaire : le temps des frimas (novembre-décembre)
  • nivôse : le temps des neiges (décembre-janvier)
  • pluviôse : le temps des pluies (janvier-février)
  • ventôse : le temps des vents (février-mars)
  • germinal : le temps des germinations (mars-avril)
  • floréal : le temps des floraisons (avril-mai)
  • prairial : le temps des prairies (mai-juin)
  • messidor :  le temps des moissons (juin-juillet)
  • thermidor : le temps des thermies (juillet-août)
  • fructidor : le temps des fruits (août-septembre)
Le calendrier Républicain

Il existe de nombreux sites permettant de convertir aisément les dates du nouveau calendrier vers l'ancien. Personnellement j'utilise celui-ci, qui est très pratique ...

Mais les conséquences de ce nouveau calendrier vont plus loin. En effet les Tables Décennales regroupant, tous les 10 ans, l'ensemble des naissances, mariages et décès sur une commune, classés par ordre alphabétique ont également commencés en 1792. C'est donc la raison pour laquelle, elles sont en 1802, 1812, 1822, etc.. Et non pas 1800, 1810, 1820, comme on pourrait s'y attendre. Alors même que le calendrier dit révolutionnaire a cessé officiellement d'exister le 11 nivôse XIV, soit le 1er Janvier 1806.

Autre conséquence : si les officiers de l'état-civil ont fini par se faire à ce nouveau calendrier, les débuts ont été difficile et c'est la raison pour laquelle, au début, certains d'entre eux donnaient les deux dates. Mais la Convention a fini par interdire absolument (sous peine de mort) l'usage de l'ancien calendrier ...

2) Les mesures

C'est à la Révolution Française, ou plutôt aux scientifiques vivant à cette période que l'on doit l'unification de toutes les unités de mesure. Avant, c'était très compliqué de s'y retrouver car les unités pour mesurer les longueurs ou les volumes différaient d'une région à l'autre.

Il a donc été décidé de mettre en place un étalon mesurant 1 mètre.Ce mètre a été défini comme la dix millionième partie d'un quart de méridien terrestre (soit la distance reliant le Pôle Nord et l'Equateur).

Le Mètre Etalon

Pour la petite histoire, d'autres unités découlent de ce mètre. Pour les surfaces et les volumes, c'est évident, mais même le kilogramme est défini comme la masse d'un décimètre cube d'eau pure à 4°C ...

Encore une fois, l'adoption de ces unités se fera assez rapidement car la Convention jugeait comme anti-révolutionnaire le fait de rester sur l'ancien système. De plus, cette unification des unités permettait de collecter un impôt (souvent en nature) de manière identique quelque que soit l'endroit du territoire concerné.

3) Les lieux

Chose plus curieuse, et souvent troublante pour les généalogistes, la volonté presque maladive des révolutionnaires de faire table rase du passé. Ainsi, nombre de lieux, soit parce qu'ils contenaient un nom rappelant trop l'ancien régime (ou à connotation religieuse), soit parce qu'ils devenaient des endroits à forte symbolique pour la République, ont été rebaptisés.

Le problème est que si, dans quelques cas, les nouveaux noms donnés sont restés, dans la plupart des cas, ils ont disparu aussi rapidement qu'ils sont apparus. Cela peut donc provoquer une certaine confusion parmi les débutants en généalogie qui ne savent pas retrouver le lieu d'origine.

J'ai trouvé quelques exemples au cours de mes recherches qui montrent cette frénésie de changement :
  • l'Hospice des Pauvres de Beauvais a été rebaptisé "l'Hospice du Malheur" sous la Révolution. 
  • la ville de Lyon qui devient Commune-Affranchie
  • la ville de Marseille qui devient Ville-sans-Nom
  • Saint-Denis (célèbre pour abriter la nécropole royale) devient Franciade
  • Saint-Didier-la-Séauve en Haute-Loire devient Mont-Franc
  • Saint-Etienne est redécoupée en Armes-Ville, Canton-d'Armes, Commune-d'Armes, Libre-Ville

La liste est longue et le lecteur curieux pourra se reporter à la liste quasiment exhaustive présente sur Wikipedia ...

Il en a été de même pour les noms de rue et de place, la plus célèbre étant l'endroit où Louis XVI a été guillotiné, qui se nommait Place Louis XV sous l'Ancien Régime, qui est devenue la Place de la Révolution, puis Place de la Concorde, qui est le nom sous laquelle nous la connaissons aujourd'hui. A noter qu'elle fut renommée quelques temps Place Louis XVI sous la Restauration ...

Le plus grand changement cependant reste celui des Provinces qui furent supprimées et remplacées par les Départements. Même si nous sommes familiers avec les Régions auxquelles sont rattachés aujourd'hui les Départements, il n'y a pas une parfaite juxtaposition entre les Provinces d'Ancien Régime et nos Régions.
Par ailleurs, l'organisation d'Ancien Régime (Provinces, Paroisses, etc.) a été complètement remaniée ce qui peut parfois semer le trouble dans les recherches.

Heureusement, les Archives Départementales proposent des tables de correspondance qui permettent de s'y retrouver ...

4) La période révolutionnaire : une barrière de corail ?

Pourquoi ce titre ? Parce que l'état-civil me fait penser à un lagon :
  • Notre état-civil moderne (de l'Empire à nos jours) est ce lagon, calme, clair, transparent, bien organisé et complet.
  • L'état-civil période révolutionnaire est la barrière de corail : une zone agitée, troublée mais finalement assez brève et qui est une transition entre l'océan et la lagon
  • Les registres paroissiaux d'Ancien Régime sont l'océan : beaucoup plus vaste que le lagon, plus profond, plus sombre, moins accessible

Mais, et je m'adresse à ceux qui ont eu la chance de voir un lagon en vrai, une fois que l'on a franchi la barrière de corail et qu'on se retrouve dans l'océan, on fait parfois de belles découvertes !



Et vous, avez-vous eu des problèmes pendant vos recherches sur la période révolutionnaire ?

Pour aller plus loin : 

           

mardi 8 janvier 2013

De l'importance de bien vérifier ses sources !


Un de mes objectifs 2013 est de trouver le plus d'éléments possibles sur mon sosa 65, Pierre Joseph Leclerc, né à Beauvais dans l'Oise vers 1768 et décédé à Saint-Etienne dans la Loire le 27 septembre 1839.

Je sais par son acte de mariage qu'il est le fils de Pierre Joseph Leclerc et de Victoire Comedé, tous deux décédés avant 1798, année de son mariage, personnes qui vivaient à Beauvais.


L'avantage (le seul ?) de la période révolutionnaire est qu'ayant remplacé les registres paroissiaux par les registres de l'état-civil, elle a du même coup simplifié le travail du généalogiste puisqu'au lieu de chercher sur la dizaine de paroisses qui constitue la ville de Beauvais, on n'a plus qu'une seule commune à examiner.

La première chose à faire a donc été pour moi d'essayer de trouver les actes de décès des parents de Pierre Joseph Leclerc.

Pour m'aider dans mes recherches, j'ai donc cherché des informations sur la famille Comedé, car il me semblait de prime abord que ce patronyme faisait assez peu couleur locale et qu'il devait donc être peu porté. Cette assertion venant compléter un raisonnement tout aussi indémontrable : un patronyme rare, doublé d'un prénom peu courant (Victoire), facilite les recherches dans la mesure où les porteurs du nom doivent avoir des liens de parenté assez forts ...

Une des premières sources d'information est le site Geneanet.org que tous les lecteurs de ce blog doivent forcément connaître ! Or, si le travail des généalogistes amateurs qui y est reproduit est une source extraordinaire, il faut toutefois faire très attention aux erreurs qui s'y trouvent.

En effet, en cherchant Comedé sur Beauvais, je trouve 16 arbres. Ces 16 arbres se réduisent à 11 si j'enlève le mien ainsi que les doublons.
Parmi eux, deux retiennent particulièrement mon attention, car ils font état du mariage de Charles Comedé avec Claire Héron. Le problème est que les deux arbres me donnent :
  • pour le premier : aucune information sur Charles Comedé et date du décès de Claire Héron le 19 novembre 1770
  • pour le second : date du décès de Charles Comedé le 18 novembre 1770 et aucune information sur son épouse

Ces informations me paraissant curieuses et en tout cas incohérentes, je suis allé voir l'acte en question, et en voici sa transcription :

L'an mil sept cent soixante dix le
dix neuvième jour du mois de novembre le corps de
claire heron ve de charles commedez Me fripier
decedée la veille agée denviron soixante onze ans munie 
des sacrements a été inhumé dans cette Eglise en presence
de Antoine Douillon, Me D'e... et Etienne
Floury huissier ses gendres temoins soussignés

J'ai reproduit l'orthographe de l'époque et sa créativité ...

On voit que c'est bien Claire Héron qui est décédée le 18 novembre 1770 et non pas son mari, qui est décédé avant elle car elle est dite veuve dans son acte de décès. De plus, les noms de deux de ses gendres sont mentionnés : Antoine Douillon, qui se trouve être le mari de Madeleine Judith Comedé, et Etienne Floury, second mari de Claire Marguerite Comedé (les informations obtenues sur les épouses des deux gendres cités dans l'acte proviennent de mes recherches personnelles).

En conséquence, les informations figurant sur les deux arbres cités plus haut sont erronées et incomplètes car grâce à cet acte, on sait que Charles Comedé est décédé avant 1770 et que son épouse Claire Héron est décédée le 18 novembre 1770 à 71 ans environ, ce qui signifie dans l'esprit du prêtre qu'elle était âgée et qu'elle avait dû naître avant le début du siècle (je dirais entre 1695 et 1700).

Le conclusion de cette petite histoire est triple :
  • je ne suis toujours pas plus avancé sur les parents de Pierre Joseph Leclerc, si ce n'est que je sais que la présence de Comedé est avérée à Beauvais dans la première partie du XVIIIème siècle, c'est-à-dire à la période supposée de naissance de Victoire Comedé
  • les Comedé que j'ai découverts grâce à Geneanet.org et malgré les quelques imperfections des arbres relevés sont issus de la paroisse Saint-Etienne de la ville de Beauvais, ce qui va, dans un premier temps, réduire mes recherches à cette paroisse
  • il ne faut pas recopier les informations données sur les sites communautaires sans les avoir vérifiées au préalable !

Bien entendu, j'ai communiqué ces résultats aux intéressés, car le partage c'est aussi cela ...

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Pour aller plus loin :