mardi 26 février 2013

Quand les hommes ne voulaient pas aller à la guerre


Ce n'est un secret pour personne : j'aime l'histoire. Aussi loin que je me souvienne, je me revois un livre d'histoire à la main en train de parcourir les récits de nos glorieux rois, de ces révolutions qui ont défait et refait notre pays, de ces guerres interminables, de ses tractations secrètes ...

Quand les Grecs ont inventé l'histoire, ils parlaient d'enquête. Et c'est bien de cela dont il s'agit : les historiens sont des enquêteurs qui essaient de comprendre les raisons profondes ou immédiates de tous ces faits qui ont façonnés notre pays. Parfois, l'histoire rejoint l'anecdote ou plutôt l'anecdote est un de ces facteurs déclenchant de tel ou tel événement historique.

Je me souviens par exemple de la lecture d'un excellent ouvrage sur la Grande Armée qui racontait comment Napoléon Ier avait réussi en quelques années à transformer les premiers régiments de la jeune République en une armée redoutée dans toute l'Europe. Mais ce que décrivait également cet ouvrage c'était la peur, la souffrance et l'effroi de ces jeunes recrues. J'y voyais d'ailleurs un parallèle avec nos armées plus contemporaines où, à mesure que les conflits durent, les recrues sont de plus en plus jeunes et inexpérimentées.

On voit alors apparaître les premiers actes d'insoumission, de refus de l'ordre et de la "résistance" (même si ce terme est pris ici au sens général). Je lisais que certains jeunes hommes, pour éviter de venir grossir les rangs de la Grande Armée n'hésitaient pas à se mutiler ! Comment peut-on se mutiler volontairement ? A quel état d'esprit doit-on être rendu pour en arriver qui à se couper une phalange, qui à s'arracher les incisives ? Quelques décennies plus tard ce sont des poilus qui infecteront volontairement leurs plaies pour rester dans les hôpitaux à l'arrière du front, au risque que la gangrène ne les achève.

Défilé de soldats sous le Premier Empire

Il y aurait beaucoup à dire sur ces auto-mutilations dont l'unique but était d'échapper à une mort (presque) certaine.

Décidément, on en apprend des choses dans les livres ...

Mais parfois, la petite histoire rejoint la grande et ce qu'on a lu enfant ou adolescent éclate au grand jour comme un témoignage cinglant de cette réalité terrible.

Le sacrifice d'un homme

C'est ici qu'entre en scène Jean Géral Chancel. C'est le 5ème arrière-grand-père de mes enfants du côté maternel ou, en termes généalogiques, leur sosa 232.

Il est né pendant les tourments de la Révolution Française le 20 pluviôse an III (8 février 1795) dans le village des Farges, en la ci-devant paroisse d'Hautefaye qui deviendra tristement célèbre 75 ans plus tard (voir à ce sujet mon article "Quand l'Etat-civil ne dit pas tout !"). Il est donc né, disais-je, du mariage d'entre Jean Géral Chancel et Jeanne Soumagne.

C'est une famille moyennement aisée de métayers. Ne perdons pas de vue que nous sommes en Dordogne, dans le Nontronnais (le Périgord Vert pour ceux qui connaissent) où les terres sont coincées entre de grandes forêts. Les terres sont donc petites et difficiles à entretenir. Dans la famille, on a des laboureurs, des tireurs de mines et des barottiers (vraisemblablement des conducteurs de convois transportant les minerais). Il est vraisemblable qu'il y a 100 ou 150 ans les ancêtres de Jean Géral fils étaient plus aisés mais cela fait aujourd'hui partie des légendes.

Cultivateurs à la fin de l'Ancien Régime

Jean Géral va donc grandir sous un régime nouveau : la République. A 5 ans, il perd sa mère et reste donc seul avec son père et son frère Louis. On est donc entre hommes dans la famille. A 10 ans, il est désormais jeune citoyen d'un Empire qui a à sa tête Napoléon Ier. Au début tout se passe bien et les quelques conscrits qui rentrent de campagne racontent lors des veillées comment ils se sont battus au bout du monde avec l'Empereur, faisant rêver les enfants !

Mais les années passent et Jean Géral commence à douter : les récits se font moins glorieux. On parle de mort, de souffrances, de boucheries. Peut-être est-ce tout simplement que Jean Géral grandissant on considère qu'il peut désormais entendre la vérité de ces combats au corps à corps où on charge à la baïonnette.

Mais la vie continue et Jean Géral se déplace pas mal pour vendre les produits de ses cultures. Il va de marché en marché et écume les environs. C'est sans doute à l'occasion d'une de ces foires et lors des fêtes qui suivent qu'il rencontre une jeune fille un peu plus âgée que lui mais orpheline de père et de mère depuis une quinzaine d'années. Elle vit à Saint-Pardoux-de-Mareuil, un bourg situé à quelques kilomètres d'Hautefaye.

Nous sommes en 1814 : l'Empereur jette ses dernières forces dans des combats qui mèneront à sa perte. On ne le respecte plus et celui que l'on nomme à présent "l'Ogre" veut toujours plus de chair fraiche pour alimenter la Grande Armée. Que faire ? Jean Géral aime Marguerite Delage, il a 19 ans et le conseil de réforme va bientôt le recevoir pour savoir s'il est apte ou non à la conscription. Seulement il est de bonne constitution ...

C'est alors que les récit des anciens lui reviennent en mémoire : ils disent que pour arracher les cartouches il faut avoir les incisives bien en place et qu'on appuie sur la détente du fusil avec la première phalange de l'index droit. Ce sont les deux parties les plus importantes du corps du soldat d'infanterie de ligne ! On raconte aussi que si ces deux parties du corps viennent à manquer, on est réformé ...

Les circonstances de la mutilation sont bien entendu inconnues, Jean Géral n'ayant pas pris le soin de dicter à un témoin sachant écrire l'"opération". Toujours est-il qu'il passe à l'acte et se tranche la première phalange de l'index droit. Son métier de cultivateur justifiera un accident avec un outil ...

Conscription sous le Premier Empire

Lors de son passage devant le conseil de réforme, il présente son handicap. L'administration, inhumaine au sens de l'application sans émotion des règles en vigueur le déclare dont inapte au service ... Il est sauvé.

Quelques mois plus tard, le 1er décembre 1814, il peut enfin épouser Marguerite Delage. A un jour près c'était le 9ème anniversaire du sacre de Napoléon Ier. Mais il n'y a pas d'anniversaire car depuis le 6 avril, le roi Louis XVIII, frère du roi Louis XVI est remonté sur le trône ...

Ensemble, nos jeunes mariés vont aller vivre à Hautefaye et ils auront deux enfants :
  • Marie, née le 12 octobre 1815
  • Raymond, né le 1er septembre 1818 (dont descendent mon épouse et mes enfants)

Mais le destin de Jean Géral sera tragique car il décèdera brutalement le 12 juin 1820 à l'âge de 25 ans. Il sera donc mort à l'âge où tant d'autres de sa génération mourraient sur les champs de bataille. Au moins, les 5 années qui ont séparé ses 20 ans de sa mort auront-elles été embellies par sa famille.

Epilogue - Les faits

La base de ce récit est historique, mais elle est un peu romancée car, non seulement il est rarissime de disposer de chroniques écrites par nos ancêtres, mais en plus, Jean Géral Chancel ne savait pas écrire. Peut-être l'absence de la première phalange de son index droit y est-elle pour quelque chose, mais j'en doute.

Si j'ai donc raconté cette histoire c'est parce que j'ai découvert ceci dans son acte de mariage :

L’an mil huit cent quatorze et le premier jour du mois de décembre, par devant nous Jean Oubin, mair et officier de l’état-civil de la commune de St Pardoux, canton de Mareuil, arrondissement de Nontron, département de la Dordogne sont comparus Jean Chancel, cultivateur, âgé de vingt ans, né le vingt un pluviôse de l’an trois de la République Française, conscrit de mil huit cent quinze, réformé pour avoir la première phalange de l’index de la main droite coupée, fils naturel et légitime de Jean Chancel aussi cultivateur et de feue Jeanne Sousmaigne, habitant tous ensemble au lieu du Lac Noir, commune d’Hautefaye, canton et arrondissement de Nontron, département de la Dordogne, ladite Jeanne Soumaigne décédée le vingt trois nivôse an huit au même lieu du Lac Noir, même commune d’Hautefaye (...)

C'est un fait assez rare que l'officier de l'état-civil note un fait de la sorte. Mais quand on se replonge dans le contexte, on comprend mieux la présence de cette mention.

Voilà donc comment quelques mots d'un simple acte de mariage peuvent permettre de se raccrocher immédiatement à la grande histoire. On pourrait en effet penser qu'il a perdu sa phalange par accident, mais personnellement je ne pense pas. L'insistance avec laquelle l'officier d'état-civil en parle semble au contraire signifier qu'il sait parfaitement ce qui s'est passé. Et puis, Louis XVIII est remonté sur le trône depuis près de 8 mois et Napoléon Ier n'est pas encore partie de l'Ile d'Elbe pour sa reconquête : tout ce qui se rattachait à l'Empire était donc devenu abominable et l'acte de Jean Géral était devenu héroïque !

Et vous avez-vous rencontré des anecdotes de cette nature au cours de vos recherches ?

Pour aller plus loin : 


           

mardi 19 février 2013

Qu'avez-vous fait de vos 20 ans ?


Cette question appelle une réponse sous-jacente qui nous rappelle l'insouciance. Et oui, à notre époque, en notre pays, avoir 20 ans il y a 10, 20 ou encore 30 ans signifiait pour la plupart être étudiant ou éventuellement travailler déjà, mais dans des conditions tout à fait correctes.

En effet, il y a 30 ans, nous étions en 1982. La peine de mort venait d'être abolie en France et un vent de liberté soufflait sur les ondes des radios libres. Bien sûr, la crise était là et le sida allait commencer à faire des ravages. Mais à l'époque, avoir 20 ans était une chose agréable.

Je me souviens d'avoir rencontré lors de mon séjour au Liban un jeune homme qui m'expliquait que quelques années en arrière, à 20 ans, il montait la garde de sa maison pendant que son père évacuait le reste de la famille car des Druzes étaient en train d'investir leur village dans la montage du Chouf. Je dois admettre que cela m'a fait réfléchir car moi, à 20 ans, je sirotais des bières à Toulouse entre deux cours dans mon école d'ingénieur. Toujours cette insouciance.


Et puis les années ont passé et mon arbre généalogique s'est étoffé et j'ai découvert quelques centaines d'ancêtres. Il y a peu je me suis reposé la question : que faisaient-ils, toutes et tous, à 20 ans ? Etaient-ils aussi insouciants que leur (indigne) descendant ?

Voici donc un petit voyage dans la jeunesse de mes ancêtres. Car oui, "ancêtre" résonne comme "ancien" et pourtant nos anciens, avant d'être vieux, ont été jeunes !

1) Elles ou ils ont eu 20 à des dates importantes 

Dans certains cas on découvre que nos ancêtres ont eu 20 ans à des dates clefs de l'histoire de France. Parfois ces dates étaient des événements importants mais sans conséquence vitale.

Ainsi, un de mes ancêtres Michel Jousse, qui a vécu à la fin du XVIème siècle dans la Mayenne a eu 20 ans quand Henri IV a été couronné. Cela n'a pas dû fondamentalement changer sa vie, mais cela a quand même dû le marquer suffisamment pour qu'il puisse en parler à ses enfants.

Parfois, les événements étaient plus dramatiques. Ainsi pour une de mes ancêtres, Marguerite Beaudequin, avoir 20 ans en 1610 a signifié vivre l'assassinat du roi Henri IV. Il faut dire que cela faisait deux rois consécutifs qui étaient assassinés et que le futur Louis XIII n'était qu'un enfant. De quoi se poser des questions sur son avenir. D'autant que ladite Marguerite Beaudequin vivait dans l'Oise, en des lieux proches du pouvoir des Valois d'où était issue la famille qui venait de régner (même si Henri IV était le premier des Bourbons, il reste le gendre de feu Henri II, de la branche des Valois).

D'autres de mes ancêtres ont eu 20 ans lors des avènements des rois Louis XIV, Louis XV et Louis XVI mais j'ai une pensée particulière pour René Gaudinière, issu de la bourgeoisie rurale du Maine (c'était un laboureur aisé) qui n'a pas forcément vu d'un bon oeil la Révolution Française. Il a en effet eu 20 ans en 1789 et il ne faut pas perdre de vue que la Province du Maine était frontalière avec la Vendée. A priori il n'a pas figuré dans les rangs des Blancs, mais au vu de sa situation sociale et de quelques indices, on imagine que son coeur penchait davantage du côté du Roi que des Bleus.

Ils sont plusieurs à avoir eu 20 ans en 1789, en diverses régions, mais le destin de Jean Dupuy dont j'ai déjà eu l'occasion de parler dans un article est assez "amusant" puisqu'il a eu 20 ans au début de la Révolution Française et qu'il est mort en 1814, à la fin de l'Empire : il aura donc vu la chute de la Monarchie, sans jamais revoir de Roi sur le trône de France ...

Quand on parle de l'Empire : Philibert Dumas, est menuisier en 1804, année de ses 20 ans et date de l'apogée de l'Empire ! Il n'est pas sous les drapeaux : et pour cause, il est déjà marié depuis 5 ans (oui, 5 ans) et a déjà 3 petites filles ! Malheureusement pour lui, il ne lui reste plus que 9 ans à vivre, mais ça il ne le sait pas encore. François Chaumette, un autre ancêtre de Dordogne est également déjà marié en 1804 depuis 4 ans et a déjà une fille. Mais que ces deux cas ne nous trompent pas : ils sont une exception, et les autres ancêtres masculins de mes enfants vivant à cette époque ont passé leur 20 ans dans une caserne ou sur les champs de bataille pour la gloire de l'Empereur.

Ainsi, Pierre Vautier, Voltigeur au 6ème Régiment d'Infanterie de Ligne passera de nombreuses années à se battre pour Napoléon Ier. Il avait 20 ans en 1808. Il devra attendre 1816 pour se marier et survivra jusqu'en 1863 ce qui en fait théoriquement un Médaillé de Sainte-Hélène. Mais à ce jour je n'en détiens pas la preuve.

Les années passent et d'autres ancêtres ont eu 20 ans lors des moments forts de notre histoire : en 1830, en 1848, en 1852 et en 1870.

Mais ce qui m'émeut le plus dans toutes ces coïncidences entre les 20 ans de mes ancêtres et les dates importantes de notre histoire, est sans doute la vie de mon arrière-grand-mère maternelle que j'ai très bien connue. En effet, elle a eu 20 ans le 29 août 1914. Depuis quelques jours la France venait d'entrer dans la Première Guerre Mondiale qui sera une véritable boucherie.
Son futur mari sera absent pendant 4 ans et quelques dates ponctuent sa vie à cette époque :
  • 1914, Marie Eugénie Mathilde Girault a 20 ans
  • 1916, elle épouse Pierre Ernest Vautier lors d'une permission de ce dernier 
  • 1917, ma grand-mère maternelle naît
  • 1918, mon grand-oncle maternel naît
  • 1919, mon second grand-oncle maternel naît, mais décèdera à la fin des années 20 des suites d'une blessure qui s'est infectée. C'était le seul fils que son père avait vu naître et grandir ...
Pour tous ces ancêtres, des événements majeurs de l'histoire de France ont marqué d'une manière indélébile leurs 20 ans. Mais pour la très grande majorité de mes ascendants ou de ceux de mon épouse, 20 ans signifiaient autre chose ...

2) Ils servaient le pays ou travaillaient, elles étaient mariées

En effet, lorsque je regarde la généalogie de mes enfants, je constate trois choses principales :
  • sous l'Ancien Régime, à 20 ans, les hommes travaillaient déjà : comme apprenti, comme compagnon, comme cultivateur ou encore comme artisan. En fait, ce sont ceux de mes ancêtres qui avaient le statut social le plus modeste : le travail était une nécessité et les métiers exercés étant majoritairement ceux des parents, l'apprentissage se faisait sur le tas et jeune
  • après l'Ancien Régime et jusqu'à la fin du XIXème sècle, à 20 ans, les hommes servaient sous les drapeaux, à part quelques exceptions comme celles relevées précédemment ou encore ce cas dont je parlerai dans un prochain article d'un jeune homme ne pouvant servir dans la Grande Armée car amputé de la phalange de l'index droit. Il y a aussi le cas de Pierre Joseph Sabot, mon arrière-grand-père paternel qui sert dans l'Armée de la IIIème République dans les colonies d'Asie et qui passera quelques mois en Cochinchine à 20 ans en 1884 ...
  • quant aux femmes, quelles que soient les époques, on constate qu'elles étaient souvent mariées à 20 ans et qu'elles avaient donc commencé leur vie de femme mariée, d'épouse et de mère (certaines, comme une de mes ancêtres, Alice Victorine Ménerat, qui a eu 20 ans en 1888, est mariée depuis 4 années déjà a deux garçons et est enceinte du troisième ... Son second garçon est cependant mort il y a deux ans et celui qui va naître dans quelques semaines ne vivra que 5 mois. On rêverait d'une vie plus insouciante à 20 ans !)
La liste de la situation matrimoniale de mes ancêtres femmes à 20 ans serait fastidieuse, mais il est vrai que jusqu'à il y a très peu, les femmes ne faisaient pas d'études et apprenaient dès leur enfance leur rôle de future mère-épouse. Il était donc "normal" qu'à 20 ans elles soient déjà mariées, voire mères. Cependant, au-delà de ce statut, le plus difficile à vivre était sans doute la perte d'un ou de plusieurs enfants. Sans compter les fausses-couches qui ne sont pas répertoriées dans les registres paroissiaux ou d'état-civil, sauf peut-être en filigrane lorsque le rythme bi-annuel ou annuel des naissances est perturbé ...

3) Un peu d'insouciance ?

Alors, dans cette histoire familiale, 20 ans peuvent-ils rimer avec insouciance ou suis-je le seul privilégié ? En fait, ce que je constate, c'est que pour la branche aristocratique de mes ancêtres, avoir 20 ans pouvait éventuellement signifier quelque chose de "cool" pour employer un anachronisme.

Mais il faut remettre les choses dans leur contexte : avoir 20 ans en 1450 ou en 1500 signifiait souvent ne plus avoir de parents et devoir donc assumer l'héritage au milieu des intrigues politiques de l'époque. Et puis on portait un nom qu'il fallait pouvoir/savoir porter haut avec honneur. Certes, on ne parle pas là de travaux pénibles ou de grossesses multiples, mais d'autre chose, plus subtil, mais tout aussi lourd à porter et à vivre.

Alors, un peu d'insouciance chez ces ancêtres de 20 ans ? Sans doute malgré tout. Les fêtes, les événements familiaux "positifs" (baptêmes, mariages, anniversaires), étaient sans doute autant d'occasions de rire et d'oublier le quotidien. Peut-être profitaient-ils davantage de ces moments que nous qui, finalement, n'avons pas de problèmes vitaux à gérer tous les jours !

Et vos ancêtres, comment ont-ils vécu leurs 20 ans ?

Pour aller plus loin :


           

mardi 12 février 2013

Esprit de famille et généalogie


Il existe parfois en généalogie des impasses que l'on pense insurmontables car on a beau chercher et chercher encore, rien n'y fait ! L'acte tant recherché reste introuvable ! Alors on essaie encore, mais finalement on arrête, remettant à demain cette recherche.

Après quelques temps (parfois quelques mois ...) on tombe sur l'ancêtre amputé de cet acte sans vraiment se souvenir des recherches qu'on avait effectué dans le passé et qui n'avaient abouti à rien. Et tant mieux, car c'est alors avec un regard neuf (parfois fiévreux ...) qu'on repart à la quête de l'acte introuvable.

Et survient alors, parfois, ce que je nommerais pompeusement le triomphe de la raison ! Ou peut-être de la persévérance ...

Château de Mareuil

De quoi s'agit-il ici ? De l'acte de décès de Catherine Foureix, épouse de Jean Merlaud et qui l'a épousé le 15 février 1816 à Puyrenier, petite commune du nord de la Dordogne. Acte que j'ai commencé à chercher en 1999 et pour lequel j'ai repris mon enquête la semaine dernière ...

1) Les actrices, les acteurs et les lieux !

En fait, je ne disposais que de l'acte de mariage de Catherine Foureix qui avait l'avantage d'être filiatif. Il m'apprenait que :
  • Jean Merlaud était originaire de la commune de Beaussac et était fils de Nicolas Merlaud et d'Anne Chabaneix
  • Catherine Foureix était originaire de la commune de Puyrenier et était fille de Charles Foureix et d'Anne Pingot.
J'avais donc le cas assez classique d'un mariage se tenant dans la commune de la future.

Il faut savoir que de ce mariage vont naître deux filles :
  • Isabelle, née le 17 décembre 1820 à Puyrenier
  • Valérie, née le 20 février 1824, à Puyrenier

Ces deux soeurs, par un clin d'oeil de la petite histoire ont épousé leur mari le même jour ! En effet, Isabelle a épousé Raymond Chancel le 12 mai 1856 à Puyrenier et Valérie a épousé Laurent Chaumette le même 12 mai 1856, également à Puyrenier.

Là où l'histoire devient croustillante est que :
  • le 1er août 1856 (après 3 mois de mariage tout de même ...), naît Jean Chancel du mariage de Raymond Chancel et Isabelle Merlaud
  • le 30 août 1866, naît Marie Chaumette du mariage de Laurent Chaumette et Valérie Merlaud
Pour en finir avec cette disgression qui nous éloigne (pas tant que ça, comme on va le voir ...) de l'objet de l'article, il faut savoir que le 13 juillet 1886, Jean Chancel épouse sa cousine germaine Marie Chaumette, à Mareuil.


Mais revenons-en à Catherine Foureix.

2) A la recherche de l'acte perdu

A ce stade de mes recherches, je dispose de peu d'informations sur Catherine Foureix puisque je n'ai que son acte de mariage. Lorsque je cherche sur les Tables Décennales de la commune de Puyrenier, je trouve le décès de Jean Merlaud le 2 mai 1862, à l'âge de 66 ans

Son acte de décès donne ceci :

Du trois mai mil huit cent soixante deux à huit heures du matin.
Acte de décès de Merlaud Jean âgé de soixante six ans, cultivateur, demeurant au bourg de Puyrénier, marié à Catherine Foureix. Ledit Jean Merlaud est décédé hier deux mai à quatre heures du doir au bourg de Puyrénier.
Sur la déclaration à nous faite par Raymond Chansard, gendre dudit Merlaud, âgé de trente quatre ans, cultivateur, demeurant au village de Donzat commune de Beaussac, en présence de Dumias Etienne, domestique, âgé de cinquante deux ans et de Merlaud Jean, frère du défunt, cultivateur, âgé de cinquante six ans, domiciliés tous les deux au bourg de Puyrénier.
Constaté, suivant la loi, en l’absence du maire, par nous adjoint de la commune de Puyrénier, canton de Mareuil, arrondissement de Nontron, département de la Dordogne soussigné.
Le comparant et les témoins ont déclaré ne savoir signer, après lecture faite.


Il nous apprend que Catherine Foureix est toujours vivante en 1862, mais comme elle est née vers 1787 (elle a en effet 29 ans en 1816, année de son mariage), elle a environ 75 ans au décès de son mari. Il y a donc fort à parier qu'elle n'a pas dû lui survivre longtemps.

Or, les Tables Décennales de Puyrenier restent muettes ...

En cherchant sur les dites Tables Décennales des communes avoisinantes, je n'ai rien trouvé. J'étais donc dans une impasse.

Jusqu'à ce qu'une idée me traverse l'esprit : Que fait une femme très âgée qui vient de perdre son mari ? Elle va vivre chez ses enfants !

Partant de cette hypothèse, je suis revenu aux deux enfants connus du couple : Isabelle et Valérie Merlaud.

Isabelle Merlaud est décédée à Puyrenier le 6 août 1856, vraisemblablement des suites de complications lors de la naissance de son fils Jean (né le 1er août 1856).
Valérie Merlaud quant à elle vit toujours en 1862 et avec son mari ils habitent encore à Puyrenier.

Retour à case départ ? Pas tout à fait. Il se trouve en effet que lors du mariage de leurs enfants en 1886, on apprend que Marie Chaumette et sa mère Valérie Merlaud, vivent dans le village de Chez Perot, dans la commune de Mareuil. Jean Chaumette son père y est d'ailleurs mort le 2 juin 1877.

On a donc la photographie suivante en 1877 :
  • Raymond Chancel vit avec son fils Jean à Puyrenier
  • Valérie Merlaud vit avec sa fille Marie à Mareuil

L'exploration de Puyrenier s'est avérée vaine. Quid de celle de Mareuil ?

La lecture des Tables Décennales de Mareuil donne le résultat tant espéré : le 28 août 1869 se trouve noté le décès d'une Catherine Foreix.

La lecture de l'acte lève les derniers doutes :

Du vingt neuf août mil huit cent soixante neuf à huit heures du matin
Acte de décès de Catherine Foureix, âgée de quatre vingt deux ans, cultivatrice, née à Nanchère, commune de Puyrénier en ce canton et domiciliée au village de Chez Perraut, commune de Mareuil, veuve de Jean Merlaud en son vivant cultivateur et fille de feu Charles Foureix et de défunte Isabelle Pingue.
Ladite Catherine Foureix décédée le jour d’hier à six heures du soir en son domicile.
Sur la déclaration à nous faite par Laurent Chaumette, cultivateur, âgé de quarante deux ans, domicilié au lieu de Chez Perraut, de cette commune, gendre de la défunte et Pierre Castanié, chapelier, âgé de vingt neuf ans, domicilié à Mareuil.
Constaté suivant la loi par nous maire de la commune de Mareuil, chef-lieu de canton, arrondissement de Nontron, département de la Dordogne, officier de l’état-civil soussigné.
Pierre Castanié a aussi signé le présent acte, non ledit Laurent Chaumette, ayant déclaré ne savoir après lecture faite.

C'est bien elle et surtout l'intuition (l'hypothèse, restons modeste ...) qu'elle a quitté son village à la mort de son mari pour se rapprocher de ses enfants s'est avérée correcte ! Quoi de plus logique en effet qu'une mère âgée qui va vivre chez sa fille. Mais pas n'importe quelle fille : celle qui dispose encore d'un mari !

3) Conclusion ... Car il faut bien conclure !

Cette énigme aurait pu être résolue par d'autres méthodes : la méthode de l'escargot ou la lecture des listes nominatives de recensement, mais :
  • la méthode de l'escargot est assez "fastidieuse", surtout dans ces zones rurales où il y a une quantité impressionnantes de communes, plus ou moins regroupées
  • la lecture des listes nominatives de recensement équivaut à celle des Tables Décennales en terme de charge de travail, et en plus, le site des AD de la Dordogne ne les propose pas en ligne ...
L'avantage de travailler sur cette époque et sur des communes de petite taille permet d'aller très vite sur les Tables Décennales, ce qui rend le travail d'exploration assez rapide.

Le seul point important n'est donc finalement pas tant de chercher que de savoir où chercher ! A ce titre, une lecture complète et détaillée de tous les actes dont on dispose déjà et la mise à plat d'une sorte de canevas représentant en quelque sorte la timeline des familles concernées permet parfois de résoudre une énigme assez rapidement !

Et vous, avez-vous des exemples d'actes trouvés par une méthode similaire ?

Pour aller plus loin :

           

mardi 5 février 2013

Quand l'état-civil ne dit pas tout !


Lors de mes recherches sur les ancêtres de mon épouse en Dordogne, je suis tombé sur un de ces cas que seul la persévérance permet de traiter correctement : un acte de mariage introuvable. Comme si ces personnes avaient décidé de se marier dans une commune lointaine et sans lien (apparent) avec les lieux qu'ils fréquentaient habituellement.

A ce jour, je suis toujours coincé sur cette généalogie car je manque d'éléments cruciaux pour avancer. Mais là n'est pas le but de cet article ... Quoi que ... En effet, il se trouve que cette partie de la famille de mon épouse est issue d'un groupe de communes/paroisses du nord de la Dordogne : Beaussac, Hautefaye, Puyrenier et Lussas-Notronneau.

J'en connais certains pour qui ces noms seront familiers, mais pour la plupart, ce ne sont que des bourgs sans histoire ayant passé les siècles tranquillement, avec une population allant de plusieurs dizaines à quelques centaines d'âmes, au gré des épidémies, des guerres et des migrations.

Hautefaye en Dordogne

Mais pour d'autres, peut-être plus historiens que généalogistes, des faits ont tellement marqué certains de ces lieux que le temps ne les effacera jamais.

Quel est le lien avec le titre de mon billet de ce jour ?

Vous allez comprendre.

1) Tout commence par une banale recherche

Une des ancêtres de mon épouse est issue de la commune d'Hautefaye, commune située à la frontière entre la Charente et la Dordogne. Le couple au sujet duquel j'effectue des recherches est celui formé de Jean Gérard Chancel et Jeanne Soumagne (ou Soumagniat selon les humeurs des officiers de l'état-civil). Jeanne Soumagne est elle-même fille de Jacques Soumagne et de Marguerite Delaborie. Elle est née le 20 septembre 1764 à Hautefaye.

En fait, je ne sais pas (encore) d'où vient Jean Gérard Chancel. Peut-être de paroisses environnantes côté Charente dans la ci-devant Province d'Angoumois ? Toujours est-il qu'il leur naît un fils, Jean Chancel, qui voit le jour en pleine tourmente révolutionnaire le 30 pluviôse an III (18 février 1795). Ce fils épousera entre 1810 et 1815 (encore un autre mariage que je ne trouve pas ...) Marguerite Delage, fille de Jacques Delage et d'Anne Repinjas (ou Raspingeas selon d'autres graphies).

A la recherche d'éléments sur leur descendance, j'ai donc tout naturellement recherché sur les communes de Dordogne dont l'état-civil est en ligne (non, je ne parle pas de la polémique sur les archives de la Charente ...). Et, porté par la promenade et à la recherche de ces points de rencontre entre la grande et la petite histoire, j'ai poussé jusqu'aux dates clefs de notre histoire de France, histoire de me détendre un peu après avoir passé des heures à chercher cet invisible acte de mariage.

2) Voir Hautefaye et mourir ?

Ainsi, à Hautefaye, en 1871, date charnière marquant la fin de l'Empire et le début de la République sous sa troisième version, j'ai trouvé les actes de décès suivants :

Du six février mil huit cent soixante-onze à neuf heures du matin.
Acte de décès de Léonard François dit Piarouty âgé de cinquante cinq ans, époux de Anne Boucheron, chiffonnier, domicilié à Nontronneau, commune de Lussas, fils de feus Jean et de feue Jeanne Large.
Ledit Léonard François dit Piarouty né dans la commune de Lussas est décédé de ce matin à huit heures et demie audit Hautefaye.
Sur la déclaration à nous faite par Jean Mounier, âgé de trente huit ans, cultivateur, domicilié à Hautefaye et Etienne Fauconnet, âgé de quarante huit ans, cultivateur, domicilié à Lagarde, commune de Beaussac.
Constaté suivant la loi par nous, Maire de la commune de Hautefaye, canton et arrondissement de Nontron (Dordogne), officier de l'état-civil soussigné.
Les témoins ont déclaré ne savoir signer le présent acte après lecture faite.

Puis

Du six février mil huit cent soixante-onze à neuf heures du matin.
Acte de décès de Buisson Pierre dit Arnaud âgé de trente trois ans, époux de ..., forgeron, domicilié à Feuillade, commune de Monbront (Charente), fils de Jean et de Anne Couraud.
Ledit Pierre Buisson né dans la commune de Feuillade est décédé de ce matin à huit heures et demie au bourg d'Hautefaye.
Sur la déclaration à nous faite par Jean Mounier, âgé de trente huit ans, cultivateur, domicilié audit Hautefaye et Etienne Fauconnet, âgé de quarante huit ans, cultivateur, domicilié à Lagarde, commune de Beaussac.
Constaté suivant la loi par nous, Maire de la commune de Hautefaye, canton et arrondissement de Nontron (Dordogne), officier de l'état-civil soussigné.
Les témoins ont déclaré ne savoir signer le présent acte après lecture faite.

Puis encore

Du six février mil huit cent soixante-onze à neuf heures du matin.
Acte de décès de François Mazière âgé de vingt neuf ans, célibataire, cultivateur, domicilié à Plambeau, commune d'Hautefaye, fils de Léonard et de Catherine Veyssière.
Ledit François Mazière né dans la commune de Lussas est décédé de ce matin à huit heures et demie à Hautefaye.
Sur la déclaration à nous faite par Jean Mounier, âgé de trente huit ans, cultivateur, domicilié audit Hautefaye et Etienne Fauconnet, âgé de quarante huit ans, cultivateur, domicilié à Lagarde, commune de Beaussac.
Constaté suivant la loi par nous, Maire de la commune de Hautefaye, canton et arrondissement de Nontron (Dordogne), officier de l'état-civil soussigné.
Les témoins ont déclaré ne savoir signer le présent acte après lecture faite.

Et enfin

Du six février mil huit cent soixante-onze à neuf heures du matin.
Acte de décès de François Chambort dit Pilout, maréchal-ferrant, âgé de trente trois ans, célibataire, domicilié à Souffreignac, arrondissement d'Angoulême, fils de François et Jeanne Pitase.
Ledit François Chambort né dans la commune de Souffreignac est décédé de ce matin à huit heures et demie à Hautefaye.
Sur la déclaration à nous faite par Jean Mounier, âgé de trente huit ans, cultivateur, domicilié audit Hautefaye et Etienne Fauconnet, âgé de quarante huit ans, cultivateur, domicilié à Lagarde, commune de Beaussac.
Constaté suivant la loi par nous, Maire de la commune de Hautefaye, canton et arrondissement de Nontron (Dordogne), officier de l'état-civil soussigné.
Les témoins ont déclaré ne savoir signer le présent acte après lecture faite.

Curieux ces actes de décès, non ?

Ces 4 personnes originaires de communes diverses, de métiers divers, d'origines sociales certes pas très éloignées, mais pas identiques, ont eu la bonne (ou la mauvaise) idée de venir mourir à Hautefaye ce six février 1871 à 8h30 du matin ... Quelle curiosité ... Et on a face à cette chose étonnante, un mutisme total de la part de l'état-civil !

Je suis certain que la plupart d'entre vous ont déjà la clef de cette énigme car, même si le temps a cette caractéristique de faire taire les cris de l'histoire, il n'en reste pas moins que ce qui s'est passé en 1871 a littéralement défrayé la chronique à l'époque. Il faut dire que la chute brutale de l'Empire a causé chez les plus faibles esprits des craintes déraisonnables : les Prussiens allaient venir chez nous ! L'Empereur a été trahi par ces aristocrates monarchistes qui ont vendu la France à l'ennemi !

Tiens, à propos d'aristocrate, l'année précédente, j'ai trouvé ceci, toujours à Hautefaye :

Du dix-sept août mil huit cent soixante dix à huit heures du matin.
Acte de décès de Jean Romuald Alain de Moneys d'Ordières, propriétaire, âgé de trente un ans, domicilié au château de Bretange, commune de Beaussac, né au chef-lieu de la commune de Connezac, fils du Comte Amédée de Moneys d'Ordières et de Madelaine Louise de Conan, propriétaires, domiciliés audit château de Bretange.
Ledit de Moneys d'Ordières, décédé hier à quatre heures du soir au chef-lieu de la présente commune.
Sur la déclaration à nous faite par Martial Delage, âgé de soixante dix neuf ans et Jean Maspinand, âgé de vingt un ans, tous deux cultivateurs et domiciliés audit chef-lieu de la présente commune.
Constaté suivant la loi par nous Maire de la commune d'Hautefaye, canton et arrondissement de Nontron (Dordogne), officier de l'état-civil soussigné.
Les témoins ont déclaré ne savoir signer après lecture faite.

Encore un mort à Hautefaye qui n'en n'était pas originaire, même si Beaussac est à une portée de canon de ce bourg paisible ... Bon, allez, le suspens a assez duré.

Alain de Moneys d'Ordières

3) Le fin mot de l'histoire

Si on cherche un peu sur la toile, et je suis certain que la plupart d'entre vous, n'y tenant plus, l'on déjà fait, que trouve-t-on ? Beaucoup, beaucoup de choses ...

Ainsi, que nous dit le docteur Roby-Pavillon sur les causes de la mort de ce jeune aristocrate plein d'avenir que rien ne destinait à venir mourir à Hautefaye un 16 août 1870 à quatre heures de l'après-midi :

Cadavre presque entièrement carbonisé et couché sur le dos, la face un peu tournée vers le ciel, à gauche, les membres inférieurs écartés, la main droite raidie au-dessus de la tête, comme pour implorer, la main gauche ramenée vers l'épaule correspondante et étalée, comme pour demander grâce ; les traits du visage exprimant la douleur, le tronc tordu et ramené en arrière (...) 

Il fut immolé de son vivant et il mourut des suites de l'asphyxie et des brûlures, et qu'auparavant il fut blessé par des objets contondants, piquants et tranchants. La blessure du crâne fut portée par un individu posté derrière Monéys, tandis qu'il était debout, et il fut traîné encore vivant (...)

L'ensemble de ces blessures aurait inévitablement amené la mort.

Etonnant ce décalage entre la description certes clinique mais terrible des conditions de la mort du jeune de Moneys d'Ordières et ce qui est rapporté froidement dans le registre de l'état-civil.

Plus étonnant encore est que cette affreuse affaire qui marqua la fin de l'Empire en Dordogne de manière si sanglante a été complètement (ou presque complètement) oubliée de nos jours. Il a s'agit en fait du massacre abominable d'un jeune aristocrate par une foule de paysans rendus complètement fous par la fin brutale du Second Empire et par une suite de malentendus attisés par un relent de jacquerie. A Hautefaye, ce 16 août 1870, une cinquantaine de personnes venues pour la foire se tenant en la commune ont littéralement "pétés les plombs".

4) Epilogue

Sur la cinquantaine de prévenus, 21 sont inculpés.

Après un procès aux Assises qui a démarré le 13 décembre de la même année, 4 sont condamnés à mort : François Chambort, Pierre Buisson, François Léonard dit Piarouty et François Mazière.

Ces noms ne vous rappellent personne ?

La toute nouvelle IIIème République se veut exemplaire et fait déplacer la guillotine sur les lieux de ce crime odieux et, bien qu'on ait initialement voulu la mettre sur le lac asséché, lieu exact du martyr du jeune de Moneys d'Ordières, on finit par la mettre au centre du bourg pour des raisons techniques (problèmes basiques de stabilité ...).

Et le 6 février 1871, à 8h25, 8h27, 8h29 et 8h31 du matin, soit un mois et demi après leur condamnation, les 4 condamnés finissent en 2 parties, à quelques minutes d'intervalle ...

Fin de carrière pour Chambort, Buisson, François et Mazière

Qui aurait crû, en lisant ces quelques lignes des registres d'état-civil de l'année 1871 que se terminait en fait l'un des faits divers les plus sordides de la fin du XIXème siècles ...

Non, vraiment, l'état-civil ne dit pas tout !


Pour aller plus loin :