mardi 26 novembre 2013

Un curé bien bavard


Il existe parfois de curés très bavards qui n’hésitent pas à ponctuer leurs registres d’anecdotes relatives à la vie de leur paroisse. Ces petites histoires, soit traitées à part, soit intégrées dans les actes sont une source d’informations pour le généalogiste car on y trouve de quoi pimenter ses récits familiaux.

Mais ce sont aussi des instantanés de la vie de nos ancêtres qui nous montrent qu’en fait ils n’étaient pas si différents de nous.

Inondation à Grenoble - source Wikipedia


Au gré de mes recherches dans la Sarthe, je suis tombé sur les registres de la paroisse de René, petite bourgade située à mi-chemin entre le Mans et Alençon. Au tout début du XVIIIème siècle la paroisse avait pour curé un certain Négrier. Ce curé donnait de temps en temps des informations étonnantes et grâce au blog Vie d’Autrefois, j’ai pu découvrir, puis vérifier (on ne se refait pas …) quelques anecdotes qui ont émaillées la vie de cette paroisse paisible. En voici un florilège :

Note en fin de registre de l’année 1701

BMS René 1700-1722 – Cote 1MI 983 R1 – Vue 23


Le 2 février fête de la Purification de la Sainte Vierge en l’an 1701, il fit un si grand orage de vents le matin environ huit heures jusqu’après midi, que les vents emportèrent par leurs violences un nombre infini d’arbres hors de leurs places, en déracinant un plus grand nombre et renversèrent plusieurs bâtiments et firent un désordre très grand


Acte de sépulture de Pierre Goupil, le 20 juillet 1707

BMS René 1700-1722 – Cote 1MI 983 R1 – Vue 93


Aujourd’hui vingtième jour de juillet 1707 a été inhumé dans le cimetière de cette église par nous curé soussigné le corps de Pierre Goupil, lequel décéda le mardi, jour précédent, par l’extrême chaleur qu’il souffrit étant à couper du blé dans la plaine et tomba mort sans avoir senti auparavant aucune atteinte de maladie, et ce jour-là, la chaleur fut si grande qu’il mourut plusieurs personnes en différents endroits et qu’un très grand nombre se trouvèrent si mal qu’ils furent obligés d’abandonner leur travail.



Note en fin de registre de l’année 1711

BMS René 1700-1722 – Cote 1MI 983 R1 – Vue 159


Relation du débordement des eaux dans ce canton dans l’année 1711

Au mois de février 1711, les neiges étant hautes d’environ un pied sur la boue, il survint un dégel qui les fit fondre tout à coup, ce qui fit croître les eaux le 17 février, jour du Mardi Gras si hautes que de mémoire d’homme on ne les avait point vu pareilles.
Les grandes rivières firent des désordres infinis, entraînant presque tous les moulins et brisèrent tout ce qui se trouva dans leur passage et dans leurs débordements firent des ravages dont on n’avait point encore vu d’exemple.
Dans ce pays ici, l’étang de Griefaussé creva la chaussée entre le moulin et la grange du Meunier qu’il entraîna pleine de blés. La brèche était large et profonde et quand les eaux furent entièrement retirées on remarqua qu’il y a avait dans l’étang deux mines de tourbe qui est une boue grasse fait commerce en Hollande, dont les pauvres gens font du feu. J’en apportai pour faire l’expérience et quoi qu’elle ne fût pas encore sèche, je remarquai qu’elle ne laissait pas de brûler, de se couvrir de cendres et de conserver quelques temps le feu, et même d’avoir bonne odeur.
Quand l’été fut venu et que les grosses mottes que le courant de l’eau avait arrachées et entraînées bien loin au-dessous du moulin furent sèches par l’ardeur du soleil, le meunier s’avisa d’en prendre pour brûler, et l’ayant interrogé là-dessus, il me répondit qu’elle brûlait bien et faisait de bon feu, qu’il s’en était toujours servi depuis, et s’en trouvait bien.
Il est très certain que les marais des mers et de Bray en sont tous pleins et si les pauvres gens avaient l’industrie de s’en servir, elle leur serait d’un grand secours dans ce pays est si rare et si cher.
Dans le bourg de René, la Petite Rivière d’Ortois se déborda aussi de manière qu’elle alla flotter jusqu’aux murailles du cimetière, où elle monta de la hauteur d’un pied.

Relation du tremblement de terre arrivé le 6 octobre 1711

Le mardi sixième octobre mil sept cent onze sur les huit heures du soir, le temps étant assez clame, l’on sentit tout d’un coup un tremblement de terre qui dura environ trois minutes avec un fort grand bruit dans l’air, ce qui étant fini la boue recommença un demi quart d’heure après à trembler, mais d’un mouvement plus fort et qui dura un peu plus longtemps que la première fois, même le bruit que l’on entendit dans l’air pendant cette seconde secousse fut beaucoup plus grand.
Cet accident ne produisit point d’autre effet que d’avoir fait grand peur, et se fit sentir presque dans toute la province du Maine.



La première remarque est qu’on a affaire à un curé lettré qui outre qu’il a une écriture agréable à lire, construit bien ses phrases, fait preuve d’une certaine culture (il parle de la Hollande) et se laisse même aller à quelques expérimentations …

Ensuite, ce genre de relations  n’est présent que sur cette paroisse. Or, lorsqu’on parle de froid intense, de tempête, de canicule ou encore de tremblement de terre, on peine à imaginer que cela ait été circonscrit à la paroisse de notre curé( il dit d’ailleurs que le tremblement de terre a concerné selon lui toute la province). C’est dommage de ne pas retrouver ces phénomènes ailleurs, il aurait été intéressant de croiser les témoignages.

Par ailleurs, ce qu’il décrit concerne des phénomènes naturels et climatiques. Mon interprétation est qu’à cette époque, les gens connaissaient bien la nature mais pas forcément la façon dont cela fonctionnait « scientifiquement ». Aussi, tout événement extra-ordinaire devait vraiment marquer les esprits.

Pourtant, par symétrie, on peut se dire alors que de tels événements, même s’ils n’étaient pas consignés, devaient se produire fréquemment et servir de repère temporel pour nos ancêtres. De même qu’aujourd’hui, tout le monde parle de la « tempête de 99 »  (moi le premier), il nous arrive de fixer des événements familiaux par rapport à cette date.
Alors qu’aujourd’hui nous savons écrire, lire et compter et que les ordinateurs et autres machines nous permettent de connaître les dates de manière extrêmement précise, on imagine que nos ancêtres qui n’avaient pas ces connaissances, utilisaient ces repères pour marquer un événement comme une naissance ou un mariage. C’est peut-être ce qui pourrait expliquer certaines approximations d’âges : cela serait peut-être dû non pas à une méconnaissance des dates, mais bien à une notation relative à des événements importants.

La lecture de ces registres permet donc de se détendre un peu et surtout de vivre quelques instants de vie de nos ancêtres, comme si on y était !

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Pour aller plus loin :

           

mardi 19 novembre 2013

18 août 1915 – « Pertes élevées … »


Le 18 août 1915, mon grand-oncle Maurice Albert Debuire décédait dans la région de Montdidier dans la Somme.
Il est très difficile de connaître les circonstances exactes de sa mort, même si la notice rendant compte du jugement lui « offrant » à titre posthume le statut de « Mort pour la France » donne un premier indice : il est mort tué à l’ennemi. Cela ne veut pas dire grand-chose, mais c’est une première piste.

Je me souviens par ailleurs de mes cours d’histoire où nous expliquait qu’après la célèbre bataille de la Marne où l’avancée des troupes allemandes fut stoppée nette, la guerre s’est muée en une guerre de tranchées. Je me souviens également qu’on nous apprenait que des ordres étaient donnés par l’Etat-major de lancer des attaques depuis sa tranchée pour prendre la tranchée ennemie, que ces attaques donnaient lieu à de véritables boucheries et qu’une fois la tranchée ennemie prise, il y avait généralement un repli …

Ca c’est ce qu’on apprend  à l’école, mais quid de la réalité de tous les jours pour ces jeunes soldats ?

Intoxiqués ! Source Histoire en Questions


C’est là qu’interviennent les journaux de guerre écrits par les officiers, dans lesquels sont relatés, jour après jour, avec plus ou moins de détails, les mouvements de leur bataillons ou de leur compagnie. Certains officiers, dont on sent une véritable proximité avec leurs hommes, consignaient également, chaque jour, les pertes dans leurs rangs, en indiquant les noms, les grades et le destin de ces hommes. Cela permet de quitter la statistique et les millions pour en arriver au concret et aux hommes.

Le site Mémoire des Hommes a mis en ligne tous ces journaux, et pour peu qu’on connaisse le régiment ou l’affectation de la personne dont on cherche des informations, on peut trouver beaucoup de choses intéressantes.

Voici donc la relation de ce qui s’est passé un certain 18 août 1915 à Montdidier, dans la 21ème Compagnie du 248ème Régiment d’Infanterie où était affecté Maurice Albert Debuire comme soldat de 2ème Classe.
   
« Le 18, la 21ème Compagnie de droite du Bataillon Ballay se trouve en liaison avec le 401ème. Ce Régiment a comme mission de flanc-garder une attaque de Chasseurs de la Division sur Beuvraignes.

Au petit jour, la 21ème Compagnie attaque de concert avec la 2ème Compagnie du 401ème, attaque très dure, comme la veille, pertes élevées.

Deux sections de la 21ème Compagnie parviennent néanmoins à la tranchée ennemie et s’y maintiennent toute la journée en liaison avec le 401. Le reste du Bataillon disposé en échelon refusé, assure la liaison avec le Régiment de gauche.

De l’ancienne première ligne française nos troupes appuient de tout leur pouvoir l’effort de nos camarades de droite.

Nos corvées leur portent des grenades, nos sections de mitrailleuses largement alimentées par leur échelon fournissent des munitions aux mitrailleuses du 401ème et exécutent toute la journée des feux efficaces de neutralisation.

En fin de journée une contre-attaque sur la gauche du 401ème est ainsi brisée net par les feux de nos sections de mitrailleuses.

Les deux sections de la 21ème Compagnie qui combattent depuis le matin pour appuyer l’action du 401 font une trentaine de prisonniers et prennent 12 mitrailleuses.
Leur évacuation se fait par le 401ème (témoignage du Capitaine Nonancourt, Commandant le Bataillon du 401ème).

L’ordre donné par le Lieutenant Colonel commandant le 248ème dès qu’il est arrivé de ce mouvement de repli, de renforcer par une Compagnie les sections amoindries de la 21ème Compagnie ne parvient qu’après l’abandon par le 401 de la première ligne allemande.

Les boches qui ont constaté très rapidement ce mouvement de repli pressent de plus en plus les éléments du 248 qui restent seuls et, menacés d’encerclement, sont contraints d’abandonner la première ligne allemande.

Une tentative faite par une Compagnie du Bataillon Bouzou vers deux heures du matin pour reprendre pied dans la première ligne allemande est arrêtée net par un violent tir de mitrailleuses. »
La relation de la journée se termine par un tableau donnant la liste nominative des pertes françaises. On note :
-          8 tués
-          21 blessés
-          2 intoxiqués
Parmi les tués, Maurice Albert Debuire.

Le journal illustre parfaitement deux aspects de la guerre.

Tout d’abord, ces mouvements de va-et-vient permanent entre lignes françaises et allemandes. Quand on regarde le bilan en fin de journée, on constate quoi ? Que les positions étaient revenues à celles de la veille. Dans l’écart, il y aura eu 8 morts et sans doute davantage car il faudrait suivre les destins des 21 blessés … Il serait d’ailleurs intéressant (note à moi-même …) de regarder d’où proviennent les 8 tués de la journée, car les régiments étaient généralement constitués de personnes provenant d’une même région. Peut-être se connaissaient-ils avant la guerre ?

Ensuite, et mon arrière-grand-père maternel en a été victime, les intoxications au gaz moutarde. L’armée allemande avait innovée dans cette guerre en utilisant pour la première fois des armes que nous qualifierions aujourd’hui de chimiques. L’envoi par ces troupes de gaz permettait d’éliminer un grand nombre d’hommes sans avoir à les affronter directement.

Quant à la façon dont Maurice Albert Debuire est mort, il y a, au vu de cette relation, deux hypothèses :
  • soit il est mort en chargeant la ligne allemande au petit jour
  • soit il est mort pendant le repli en fin de journée.
Dans tous les cas, il semble qu’il soit bien mort dans l’action. Il n’a sans doute pas réalisé qu’il venait d’être touché. C’est tout ce qu’on peut espérer. Toujours est-il qu’il est mort le lendemain de ses 21 ans, à l’âge où on est supposé fleureter dans les bals après les moissons …

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Pour aller plus loin :

           

mardi 12 novembre 2013

1914-1918 – Mémoire de mes hommes !


Hier on fêtait l’anniversaire de l’armistice qui mettait officiellement fin à la première guerre mondiale qui avait débuté 4 années plus tôt. Pendant ces 4 années, la France a changé profondément. Négativement car toute une classe d’âge a  disparu dans les tranchées boueuses du nord du pays, mais positivement car les femmes ont pu montrer qu’elles pouvaient tout aussi bien travailler que leur frères ou maris, et positivement encore car le français s’est enfin imposé partout sur le territoire, à force d’avoir vu se mêler des citoyens venus des 6 coins de l’hexagone !

14-18 c'était ça ... Vivre 4 ans dans la boue ...


Cependant, il ne faut pas oublier ces hommes qui se sont battus, pas nécessairement par idéal, mais par devoir envers la patrie.

Mes enfants ont 8 arrières-arrières-grands-pères qui ont vécu à cette période, et en replongeant dans mes archives, j’ai pu relever quelques informations intéressantes, que je tenais à partager, suivant en cela le thème du mois proposé par Sophie Boudarel.

Qui sont-ils ?

En les « triant » par sosas croissants, nous avons :

  • Pierre Joseph Sabot, 50 ans en 1914, marié à Marie Julie Fogeron et déjà père de 8 enfants (dont 6 sont encore vivants à cette date)
  • Henri Debuire, 52 ans en 1914, marié à Alice Victorine Ménerat et déjà père de 9 enfants (dont 6 sont encore vivants à cette date)
  • Juvénal Georges Jules Jacquesson, 30 ans en 1914, marié à Jeanne Françoise Jousserandot et déjà père de 3 enfants à cette date, tous vivants
  • Pierre Ernest Vautier, 22 ans en 1914, encore célibataire, mais fiancé à Marie Eugénie Mathilde Girault
  • Pierre Fargeas, 49 ans en 1914, marié à Elisabeth Autier et déjà père de 5 enfants, tous vivants
  • « Inconnu » Marsal, dont je ne sais pour le moment pas grand-chose, si ce n’est qu’il est sans doute déjà marié à cette date à Emilie Dulsou et qu’il a au moins un enfant
  • Pierre Louis Chaume, 33 ans en 1914, marié à Noëlie Chancel et père de 2 enfants, tous vivants
  • François Dalbert Chauvit, 28 ans en 1914, marié à Marie Hélénie Lascaud et père d’un enfant, vivant au début de la guerre

Juvénal Georges Jules Jacquesson qui a pu échapper à la guerre du fait de son âge



On note déjà une grande disparité puisque le plus jeune des trisaïeux n’a que 22 en 1914 alors que le plus âgé en a 52 et a déjà une famille largement constituée.

Par ailleurs, à part Pierre Ernest Vautier, ils sont tous mariés avec des enfants. Ce point est très important quand on pense à ce que peut être le déchirement de voir le père partir pour la guerre. Les seules références pour ces personnes étaient les guerres napoléoniennes et la défaite de Sedan en 1870. En d’autres termes : un carnage où les moins gradés étaient de la chair à canon. En un mot, des adieux qui durent être déchirants …

Les survivants

Sur les 8 trisaïeux de la guerre, 7 survivront à la boucherie, le seul mourant pour la patrie étant François Dalbert Chauvit qui mourra le 29 octobre 1915 des suites de ses blessures à Moreuil, dans un hôpital de campagne (voir l’article à ce sujet). Il avait quand même passé plus d’une année à se battre et apprendra sur le front la mort de son père et celle de son fils aîné, et, accessoirement, la naissance de sa fille qui, si on calcule rapidement, aura été conçue avant que la guerre n’éclate …

Mais il y a survivant et survivant.

En effet, si sur les 7 survivants, 6 le sont car ils n’ont tout simplement pas combattu, Pierre Ernest Vautier a le triste privilège d’avoir passé 4 années à se battre, à avoir été gazé et à revenir de temps à autres en arrière, temps qu’il a consacrés à se marier et à faire deux enfants, le troisième étant né en 1920.
Sur les photos que j’ai de lui, on voit que ces 4 années l’ont marquées et, je relisais il y a peu un texte qu’il avait rédigé en 1921 à l’occasion de la distribution des prix du collège dont il était le professeur de lettres et de grammaire. Il s’agit d’une « fête », et pourtant, ce discours dactylographié est d’une dureté terrible.

Pierre Ernest Vautier, un visage marqué par la guerre


En voici quelques extraits :

« (…) C’est donc avec confiance que je dirai à vos fils ce que tous nous pensions hier dans le fond de nos tranchées ou dans la pénombre de nos sapes (…) ».

« (…) Souvenons-nous donc de l’ennemi d’hier. Pensons à la conduite de l’armée allemande en campagne, et surtout aux ordres émanant de ses Etats-Majors. Là nous trouvons de quoi nous édifier pendant de trop longues années sur les résultats de la haine scientifiquement organisée. (…) »

« (…) Peut-être, dans quelques années lorsque vous incombera la responsabilité des destinées de la Nation, l’Allemand reviendra-t-il, refait, réorganisé, avec une puissance toute nouvelle, d’autant plus à craindre que sa haine aura été plus secrète et sa défaite plus grande. (…) »


Et il y a plusieurs pages sur ce ton. Première remarque, j’imagine que pendant ce discours, il ne devait pas y avoir un bruit. Seconde remarque, je suis surpris par la prescience de mon arrière-grand-père ! En tout cas, on peut dire que même survivant physiquement, le traumatisme psychologique durera et ne laissera personne indemne. Troisième remarque, ce discours devait être très parlant puisque certains enfants présents devaient avoir perdu leur père pendant la guerre …

La souffrance des familles

Un autre cas est celui des familles qui ont payées un lourd tribut à la guerre. C’est ainsi le cas de Henri Debuire qui, trop vieux pour combattre, perdra quand même deux fils à la guerre.

Léon Edgar Debuire, né le 22 mai 1892 à Vez dans l’Oise, qui étant de la classe 1912 servira la France comme soldat 2ème Classe dans le 9ème Régiment de Dragons. Il sera tué à l’ennemi le 29 septembre 1915 à Souan dans la Marne. Il avait 23 ans.

Maurice Albert Debuire son frère, né le 17 août 1897 à Vez, qui sera de la classe 1917. Il aura donc parfaitement connaissance de l’horreur du front par les récits de son frère et vivra sa mort. Malgré tout, il servira la France comme soldat de 2ème Classe dans le 248ème Régiment d’Infanterie et sera tué à l’ennemi à Montdidier dans la Somme le lendemain de ses 21 ans, le 18 août 1918 …

Ainsi, Henri Debuire ne se sera pas battu, mais étant dans l’Oise il sera aux premières loges et surtout il perdra deux fils dans cette guerre. Pour la petite histoire, son épouse, la mère de ses enfants est l’arrière-petite-fille de Joseph Menrad, soldat allemand fait prisonnier par l’Armée de la République en 1797 … Ainsi, Léon Edgar et Maurice Albert se sont-ils battus contre leurs cousins …  

Je remercie d’ailleurs le site Mémoire des Hommes qui m’a non seulement inspiré le titre de ce billet, mais qui a fourni un travail remarquable sur la mémoire de ces hommes qui ont servi leur pays.

Les morts

Ce billet ne serait pas complet si je ne citais François Dalbert Chauvit, mort pour la France le 29 octobre 1915 à Moreuil dans la Somme, mort des suites de ses blessures reçues lors du bombardement de sa tranchée.

François Dalbert Chauvit, mort pour la France en 1915


Je ne vais pas revenir sur les détails que les lecteurs le souhaitant pourront trouver dans l’article que je lui avais consacré, mais je résumerais le drame de cette guerre en quelques lignes.

François Dalbert est né le 8 février 1886 à Saint-Amand-Montmoreau en Charente. Il est donc de la classe 1906. Il est donc incorporé au début de la guerre et parcourra tout le nord de la France avec son Régiment avant de tomber à Moreuil, dans la Somme.

Il décède donc à 29 ans, laissant derrière lui une petite fille de 9 mois et une veuve de 23 ans. Son fils aîné mourra brûlé dans un accident domestique et son père apprendra sa mort alors qu’il était lui-même en train de mourir sur son lit d’hôpital.

Hommage de la Nation à FD Chauvit


Ce destin tragique résume à lui seul les drames qu’ont connus nos ancêtres pendant cette guerre terrible et je suis heureux qu’il existe encore des voix pour leur rendre hommage. Je finirai ce billet en citant une fois de plus mon arrière-grand-père dans son discours de 1921 :

« Pénétrez-vous donc, mes chers Amis, de ces pénibles souvenirs. Que pour vous ce passé soit toujours un présent. Et lorsque vous aurez concentré toute votre attention sur ce thème funèbre, vous comprendrez que tout n’est pas fini. La première partie du drame seule est terminée. La seconde sera ce que vous la ferez : ou bien vous vous monterez dignes de vos aînés, et votre gloire continuera la leur ; ou bien vous oublierez et tout sera à recommencer. »



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Pour aller plus loin : 


           

mardi 5 novembre 2013

Condamné !



En 1666, alors que Londres allait connaître un incendie qui la défigurerait, le roi Louis XIV qui avait commencé son règne « personnel » depuis 5 ans , décida de mettre sérieusement de l’ordre dans le second ordre, c’est-à-dire celui de la noblesse.

En effet, les nobles bénéficiaient de plusieurs privilèges dont celui d’être exempté de la taille. Or, la taille était un revenu non négligeable pour la couronne et les personnes qui, par le fait d’une complexité administrative évidente, vivaient « noblement » pouvaient ne pas payer cet impôt.

D’où la nécessité de mettre de l’ordre …

Louis XIV par Lebrun


Ainsi, ordre fut donné de rechercher les usurpateurs du titre de noblesse dans tout le royaume. En pratique, généralité par généralité, paroisse par paroisse, les intendants des finances devaient mener une enquête en vue de confirmer dans leur titre les nobles authentiques et condamner les autres à redevenir de simples roturiers et, accessoirement à payer une amende …

Ce travail a commencé vers 1661, mais comme cela n’allait pas assez vite et que manifestement certaines enquêtes n’avaient pas la rigueur nécessaire, le roi publie de nouvelles ordonnances le 22 mars 1666.

Comme ce billet traite de généalogie et pas d’histoire, voyons comment cela s’est traduit dans deux cas concrets et ce qu’on peut en retirer.
Le premier cas est celui de René de Chalus, écuyer, sieur de la Poupardière, mon ancêtre, qui vivait à la Baconnière en Mayenne à cette époque, et le second cas décrit ce qui arrive quand on n’est pas noble ...

Le recueil dans lequel j’ai trouvé ces informations est disponible sur le site de la BNF, Gallica.fr et est intitulé « Recherche de la Noblesse dans la Généralité de Tours ».

Dès le début, le ton est donné :

« Aujourd’huy, huictiesme jour de septembre 1666, par devant nous Jean Le Breton, conseiller du Roy, lieutenant particulier, assesseur criminel et premier conseiller au bailliage et ressort de Chinon, est comparu Jean de Laspeire, chargé de l’exécution de l’arrest du Conseil du 22 mars dernier pour la recherche des usurpateurs du tiltre de noblesse, lequel nous a remonstré que Monsieur Voisin, chevalier, seigneur de la Noiraye, conseiller du Roy en ses conseils, maître des requestes ordinaire de son hostel, commissaire desparty par Sa Majesté pour l’exécution de ses ordres en la généralité de Tours, sur la requeste qu’il luy auroit présentée le jour d’hiert auroit rendu son ordonnance par laquelle il nous auroit commis et subdélégué pour inscrire pendant son absence les inscriptions en faulx formées par led. Laspaire contre les tiltres et contracts communiqués par ceux qui se prétendent nobles jusqu’à jugement définitif exclusivement, et aussy pour recevoir les comparutions sur les assignations données pour réprésentation des tiltres de noblesse, requérant qu’il nous plaise accepter lad. subdélégation :
                                               Signé : Ménouvrier, advocat dud. Laspeyre »


Clairement, ceux qui font croire qu’ils sont nobles ont du souci à se faire …

Noble au XVIIIème


1) René de Chalus, confirmé !


Voici ce que dit le document à sa page 171 :

« CHALUS (Jean de), sieur de la Bénehardière demeurant en sa maison seigneuriale de Fresnay, paroisse de Bourgneuf-la-Forêt, élection de Laval, duché et paierie de Mayenne, comparant le XIXème juin 1668, a dit qu'il entend maintenir la qualité d'écuyer, qu'il est aîné de sa maison, et qu'outre Pierre de Chalus, curé de la paroisse de la Baconnière et prieur de Juvigné, et Guillaume de Chalus, sieur dudit lieu, ses frères puinés, demeurant, savoir ledit Pierre en ladite élection de Laval et ledit Guillaume en la province de Xaintonges, Pierre et Gabriel de Chalus, ses cousins issus de germain, demeurant savoir ledit Gabriel en la ville de Paris et ledit Pierre en ladite élection de Laval, René de Chalus, sieur de la Poupardière, son cousin au quatre ou cinquième degré, et François et Pierre de Chalus, frères, sieurs de la Braudais et de Rosé, ses cousins au neuf ou dixième degré, tous demeurant en ladite élection de Laval, il ne connaît personne de son nom et armes qu'il porte : d'azur à 3 croissants d'argent, pour la justification de laquelle qualité d'écuyer il a mis au greffe les pièces dont il entend se servir et a signé :
 Jean de Chalus

Lesdites pièces ont été rendues ce XXème juin 1668. »


S’ensuit la synthèse de l’étude des pièces qui ont été produites :



« CHALUS (de) – Originaire du Bas-Mayne.
Jean de Chalus, écuyer, sieur de la Bénéhardière, demeurant paroisse de Bourgneuf, élection de Laval, Guillaume de Chalus, écuyer, sieur dud. Lieu, demeurant en Saintonge et Pierre de Chalus, prieur de Juvigné, frères, Pierre de Chalus, écuyer, sieur de la Bérauday et Pierre de Chalus, écuyer, sieur du Rozay son frère, demeurant paroisse de Juvigné, élection de Mayenne, ont justifié la possession du titre de noblesse depuis l'année 1483 commençant en la personne de n. h. Guillaume de Chalus, sieur de la Bénehardière, 6ème ayeul des sieurs de la Bénehardière et quintayeul desdits sieurs de la Bérauday. 
Portent : d’azur à 3 croissants d’argent, 2 et 1»


Ce document, outre qu’il confirme la noblesse de mon ancêtre, est une mine d’informations pour le généalogiste que je suis car il donne le nom de tous les porteurs du nom contemporains de ce « procès » ainsi que leurs liens de parenté et leur lieu de résidence.
Dans mes recherches, je suis tombé sur tous ces personnages, mais cela m’a permis de faire le lien entre eux et de confirmer la généalogie les reliant à Guillaume de Chalus donnée par mon lointain cousin le Comte de Chalus, dans son ouvrage de la fin du XIXème siècle intitulé « Une Maison de France » …



2) Les déchus


Prenons le cas d’Antoine Chanu.
On lit, en ce qui le concerne :

« CHANU (Antoine), ci-devant l’un des vingt-cinq gentilshommes de la garde écossaise de Sa Majesté, demeurant paroisse de Vilbourg, élection et bailliage de Tours, comparant le 20 avril 1667, lequel a dit que s’il a pris la qualité d’écuyer ce n’a été que pendant qu’il a exercé ladite charge qui lui donnait droit de prendre ladite qualité, laquelle il n’a prise ni avant qu’il en ait été pourvu, ni depuis qu’il s’en est défait, depuis lequel temps il a été au contraire imposé aux rôles des tailles et du sel de ladite paroisse et a signé. »


On sent, en lisant entre les lignes, qu’il y a une véritable crainte de passer pour un usurpateur. En fait, tout l’enjeu est de dire qu’on a toujours payé la taille, ce qui signifie qu’on n’est pas redevable de l’amende.

La liste des condamnés est longue, mais je ne résiste pas à la tentation de parler du cas de Maurice Chardon. Celui-ci, titré sieur de Nueil, se plaint qu’il a subi des vexations sans fins, étant promené de juridiction en juridiction depuis qu’il a été assigné par la Cour des Aides.
La Cour des Aides l’a ainsi condamné à payer la somme de 2 200 livres parisis pour usurpation en 1664. Ce qu’il conteste c’est qu’il est condamné comme usurpateur alors qu’il n’a jamais été noble ni voulu l’être (on a un peu de mal à le croire …). En fait il justifie cette attitude que la noblesse l’aurait exempté de taille, mais demeurant à Paris et ayant diverses charges l’exemptant de fait de cet impôt, être noble ne lui aurait rien apporté de plus …

La conclusion est terrible pour cet homme :

« CHARDON (Maurice), sieur de Nueil, demeurant présentement en la ville de Chinon, comparant le 6°août 1666 pour satisfaire à l’assignation à lui donnée à la requête de maître Jean Laspeyre, pour assister à la liquidation de la somme de deux mille deux cents livres à laquelle il a été condamné par arrêt de la Cour des Aides du 15 décembre 1664, a dit qu’il n’a aucune connaissance dudit arrêt qui ne peut avoir été rendu contre lui et en demande communication ».
La mention qui suit est simple : « Condamné »


Ainsi, au-delà du réel plaisir que peut procurer la lecture d’un tel document car il fourmille d’anecdotes, on découvre plusieurs choses intéressantes qui peuvent intéresser le généalogiste :

  • Tout d’abord, on trouve certains traits de caractère et une véritable crainte des gens face à la possibilité de perdre un titre et de l’argent. Mais certains, sûrs de leur fait sont à la limite de l’arrogance toute aristocratique que leur rang leur confère. On sent que certains ont dû être extrêmement vexés de devoir se justifier de la sorte …  
  • Et puis, et c’est ce que j’indiquais dans la partie consacrée à mon ancêtre, on découvre une foule d’informations permettant d’enrichir son arbre car la noblesse devant être prouvée, ces personnes donnaient tous les justificatifs nécessaires permettant souvent de remonter 150 ou 200 ans en arrière …


Toutes les sources sont donc utiles au généalogiste, même celles qui montrent que son ancêtre a été condamné pour usurpation de titre de noblesse …

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Pour aller plus loin :