mardi 2 décembre 2014

Il faut se méfier des conclusions hâtives …


Même si nous sommes vigilants, nous pouvons nous faire piéger par des a priori. Par exemple, bien des choses ont changé depuis le XVIIIème siècle et des mots ou des comportements qui étaient clairs et sans ambigüité à l’époque ont évolué et ont parfois pris une autre connotation.

Le problème est que si nous n’y prenons gare, nous pouvons nous perdre dans des conclusions erronées.

Voici trois exemples trouvés lors de mes recherches sur la branche de la grand-mère paternelle de mon épouse dans la région des Corbières, aux confins du Languedoc.


1/ Un pasteur bien catholique

Pour celles et ceux qui l’ignorent, chez les protestants, le ministre du culte se nomme un pasteur. Ce nom tire son origine dans le fait que cette personne est censée guider le troupeau des âmes humaines à l’instar d’un pasteur qui guide les brebis et évite qu’elles s’égarent.

Autre information importante, les Corbières ont été une région où le catholicisme a eu du mal à s’implanter uniformément car de grands mouvements hérétiques ont existé dans le passé, les Cathares étant les plus connus. Ainsi, trouver des protestants dans cette région n’est pas absurde en soi.

Passons à Jean Baptiste Marsal.

Il est né à Villerouge-Termenès, une petite paroisse des Corbières à quelques lieues de Lézignan. Il est le fils d’Etienne Marsal et d’Anne Ville.
Lorsque le 1er octobre 1776 il épouse Marie Pla, fille de Jean François Pla et de Marie Pech, on apprend que Jean Baptiste Marsal est un pasteur résidant depuis longtemps dans la paroisse de Ribaute, celle où a lieu ce mariage et d’où est originaire la future.

Spontanément, je me suis alors dit que mon épouse avait un ancêtre de plus protestant (car j’en avais découvert un autre quelques temps auparavant …). Rien d’étonnant à cela pour les raisons évoquées plus haut.
Au moment où je transcrivais l’acte de mariage, je me prenais déjà à imaginer un billet exaltant la grande tolérance de l’église catholique envers leurs « frères » protestants, mettant cela sur le compte de siècles de cohabitation.

Seulement voilà. Arrivé à la fin de l’acte je lis la mention suivante


« Présents à ce mariage, Mr Mas, bourgeois, et le sieur Baptiste Pla, oncle paternel de la mariée et Vincent, qui ont signé avec nous, et non Baptiste Marsal et Marie Pla, de ce requis ont dit ne savoir (…) »


Quoi donc ? Un pasteur ne sachant pas écrire ? Pas possible ! Quand on sait l’importance que portaient les protestants à l’étude des écritures, je me suis dit que cela ne collait pas ! Et puis, je me suis souvenu que jadis un pasteur était aussi un berger …

Ainsi, cet ancêtre n’était point ministre du culte protestant, mais bien un simple berger …


2/ Un ancêtre Premier Consul

Toujours dans cette branche, quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que Arnaud Pla, le sosa 1668 de mes enfants (et accessoirement le grand-père paternel de la Marie Pla citée plus haut) était Premier Consul !

Oui, mais Premier Consul … de Félines-Termenès ! Tout de suite, cela rompt un peu le charme …

Cela montre qu’il faut bien tout lire dans un acte pour éviter de se faire des illusions !

En fait Arnaud Pla, né le 2 juin 1680 à Félines-Termenès, fils de Raymond Pla et de Marie Cumond, et décédé le 3 mai 1746 au même Félines-Termenès, était un notable de cette petite paroisse. Celle-ci était administrée par des consuls et le premier d’entre eux était en quelque sorte le Maire, si on peut tenter un parallèle qui frise l’anachronisme.

La déception (relative) est alors vite remplacée par une découverte historique qui est que sous Louis XV, les paroisses étaient relativement autonomes et étaient pour certaines auto-administrées. On est loin de l’image montrant des paroisses composées de paysans incultes écrasés par un seigneur impitoyable …


3/ Un ménager qui ne fait pas le ménage

A plusieurs reprises, au début du XVIIIème siècle, j’ai rencontré des ménagers dans les ancêtres de mon épouse.

Le plus surprenant est sans doute le cas de François Bouzinac de la Bastide, huissier de son état et fils de Joseph Dominique Bouzinac de la Bastide, vice-chancelier au consulat d’Espagne et des Deux-Siciles, et de demoiselle Marie Prévot.

Cet homme qui est né à Marseille vers 1748 et qui est mort à Ferrals-les-Corbières, dans l’actuelle Aude, le 29 septembre 1796 (le 8 vendémiaire an V pour les puristes) a épousé Marie Thérèse Estieu le 24 novembre 1773 à Luc sur Orbieu, petite paroisse du Languedoc, rattachée au diocèse de Narbonne.

Au vu de l’ascendance du marié, on peut imaginer le mieux pour celle de la mariée.

Or qu’apprend-on ? Le père de Marie Thérèse Estieu, feu François Estieu était … ménager !

Spontanément, je me suis dit que soit ladite Marie Thérèse Estieu était incroyablement belle, soit notre Bouzinac de la Bastide avait fauté avant le mariage et il s’agissait de réparer quelque déshonneur. Mais un fils de vice-chancelier auprès d’un consulat ne pouvait épouse une fille de ménager, tellement ce terme est connoté négativement !

Pourtant, en regardant les ressources disponibles sur le web, j’ai découvert qu’en Languedoc, à cette période, un ménager était en fait un propriétaire terrien possédant une terre pouvant aller jusqu’à une vingtaine d’hectares …

Ainsi, loin de la connotation négative qu’un tel mot peut représenter aujourd’hui, un ménager pouvait être relativement aisé et surtout, posséder une terre et ne pas en être seulement l’exploitant pour le compte d’un seigneur ou d’un propriétaire. Du coup, ce mariage se comprenait mieux, ce qui n’annulait pas les autres causes possibles (Marie Thérèse pouvait très bien être belle et François pouvait en être amoureux …)



Les apparences sont parfois trompeuses et il faut bien lire les actes et ne pas hésiter à scruter les ressources disponibles sur le web car cela permet de lever bien des doutes et même si la réalité est moins « sexy » que ce qu’on avait pu imaginer un instant, cela n’est pas grave car la généalogie est aussi là pour tordre le coup aux légendes infondées …



Si cet article vous a plu ou vous a été utile, n’hésitez pas à le commenter et le faire circuler !


6 commentaires:

  1. Tout cela est fort juste
    je crois que j'ai trouvé le terme de ménager dans le sud de la Drôme

    Nésida

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    1. Il me semble effectivement que c'est une terminologie du Sud-Est car je ne l'avais jamais vu en Auvergne ou au Nord de la Loire ...

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  2. Bonjour,

    Je me permets de vous présenter Mémé Moustache. C'est
    Murmure d'ancêtres qui en parle le mieux : "Il n'est jamais trop tôt pour commencer la généalogie. Fort de ce principe, j'ai entrepris de transmettre le goût de la généalogie à mon neveu (4 ans) et ma nièce (9 mois) et de (...) les sensibiliser à la notion de famille et de parents (au sens large). D'autant plus qu'ils habitent loin et que je ne les voit pas souvent. (...) J'ai réalisé pour eux des "arbres généalogiques" spécifiques (...) J'ai contacté Mémé Moustache. Et maintenant, mamie peut raconter l'histoire de la famille à sa petite-fille."

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  3. Bonjour,
    Votre recherche des ancêtres de votre famille est passionnante. Avez vous pu remonter plus loin dans la généalogie de François Bouzinac de la Bastide? Je suis potentiellement également un de ses descendants.
    Cordialement,
    Arnaud

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    1. Bonjour Arnaud,
      Le plus vieil individu que j'ai trouvé dans cette famille est Jacques Bouzinac dit "de la Bastide" qui a dû naître avant 1700 et qui était marié à Ursule Catherine Dachoritegai (orthographe incertaine). Ce Jacques Bouzinac avait le statut de Bourgeois de Marseille en 1746. Ursule Catherine était décédée en 1746 et était dite "de Madrid" cette même année.
      Leur fils Joseph Dominique Bouzinac de la Bastide est né vers 1719 à Marseille et était Secrétaire du Consul d'Espagne et des Deux-Siciles en 1746, date de son mariage avec Marie Suzanne Peirot, fille de Pierre Peirot Maître Boulanger à Marseille.
      De cette union est né François Bouzinac de la Bastide (1748 Marseille - 1796 Ferrais les Corbières) qui a épousé Marie Thérèse Estieu le 24/11/1773 à Luc sur Orbieu (11).
      Où se situerait votre ascendant ?

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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