mardi 10 février 2015

Les légendes familiales


Les légendes familiales ont ceci de particulier qu’elles ont tendance à enjoliver la réalité. Il est rare en effet qu’on se vante d’avoir eu un ancêtre assassin ou d’avoir dans son arbre généalogique un malade mental.

La légende la plus courante est celle de l’ancêtre prestigieux, souvent noble, et qui a tout perdu lors de la Révolution Française. Les personnes sont le nom commence par le préfixe « de » ou « du » sont souvent victimes de cette légende car pour elles, le fait que la particule jadis indépendante soit désormais rattachée au patronyme signifie que leur ancêtre noble, fidèle républicain, a ainsi fait allégeance à la République en supprimant sa particule. Il existe une autre version de ce rattachement, moins glorieuse, qui consiste à dire que par peur d’être dénoncé, l’ancêtre a caché son appartenance au second ordre …



Avant d’aller plus loin, je pense qu’il est important de rappeler quelques points essentiels.


Noblesse et particule

Premièrement, le fait de disposer d’une particule dans son patronyme ne signifie pas l’appartenance à la noblesse. Selon les époques en effet, il était de bon ton de faire suivre son patronyme de la terre dont on été propriétaire, sans pour autant que cela donne droit aux privilèges de la noblesse.
Le travail effectué par Louis XIV à la fin des années 1660 a d’ailleurs permis de remettre dans le droit chemin quelques usurpateurs qui profitaient de la confusion pour ne pas payer d’impôts …

J’en veux pour preuve deux exemples. Un de mes ancêtres, authentique aristocrate de Bretagne se nommait Le Porc. Pas très glamour pour un nom noble, et pourtant, ce nom est rattaché à de grandes maisons de Bretagne et il y a fort à parier que personne à l’époque ne se serait permis de plaisanter sur ce patronyme …
A l’inverse, du côté de mon épouse, on trouve des Bouzinac de la Bastide qui étaient ce qu’on nommerait aujourd’hui des hauts fonctionnaires aux Affaires Etrangères mais qui n’étaient pourtant que d’authentiques bourgeois, assujettis à la taille …

En réalité, seule l’existence de lettres patentes permet d’établir la noblesse d’un individu …

Ensuite, qu’un individu décide de rattacher sa particule à son nom ou de la supprimer par idéal républicain a pu se produire, mais dans la majorité des cas, ce qui comptait était surtout le fait de renoncer aux privilèges de la noblesse : assujettissement à l’impôt, suppression des droits sur les terres ou sur les personnes y travaillant, etc..

Qu’on ne s’y trompe pas, la majorité des aristocrates de France à l’époque de la Révolution vivaient à la campagne et travaillaient de concert avec leurs fermiers ou leurs métayers. Encore une fois, nous devons être vigilants à cette vision Parisienne de la Révolution Française …

C’est ainsi que les chefs Chouans de la révolte Vendéenne ont été nommés par les gens du peuple et presque forcés à agir car ces derniers avaient besoin de chefs et de personnes sachant commander …

Enfin, un aristocrate qui tenterait de dissimuler son statut de noble en faisant disparaître sa particule n’a pas grand sens car soit il continuait à vivre sur ses terres et était donc connu, soit il changeait de vie et il pouvait alors s’inventer le nom qu’il voulait, personne n’étant en mesure de vérifier son état-civil réel …


Comment valider (ou non) une légende ?

Le plus simple est d’aller droit au but.

Votre ancêtre est venu dans les bagages de Marie de Médicis lors de son arrivée à la cour avec Henri IV ? Votre ancêtre a servi l’Empereur à Austerlitz ? Votre ancêtre a combattu les Anglais avec Lafayette ?

Il faut chercher à la source. Si votre ancêtre est « prestigieux » au sens où il a eu un rôle dans l’histoire, il existe nécessairement des sources parlant de lui. Que ce soient des monographies ou des études réalisées par des érudits locaux, voire des descendants, il existe des documents où vous pourrez retrouver des informations le concernant.

Mais ceci étant dit, rien ne prouve pour le moment qu’il soit rattaché à vous … En effet, ce n’est pas parce que vous avez un patronyme identique (ou presque) que vous descendez de cette personne !

En ce qui me concerne, j’ai parmi mes ancêtres des nommés « Poisson », or je n’ai rien à voir Jeanne-Antoinette Poisson plus connue sous le nom de Madame de Pompadour


Trouver le lien

Plus l’ancêtre supposé a vécu il y a longtemps, plus il va être compliqué d’établir un lien certain. En effet, dans la mesure où avant 1668, la plupart des registres d’état-civil commencent à devenir lacunaires, si la personne étudiée a vécu à la fin du XVIème siècle, cela ne va pas être simple, sauf à disposer de documents autres (généalogies établies à l’époque, actes notariés, etc.).

A l’inverse, si l’ancêtre supposé est « récent », c’est-à-dire qu’il a vécu après la période révolutionnaire, les sources sont plus nombreuses, mais il est sans doute curieux que personne dans votre famille n’ait de traces tangibles de ce qui vous relierait à lui.
Je m’explique : Si la personne dont vous pensez descendre était un officier supérieur pendant l’Empire, cela signifie qu’il est né vers les années 1770. Ses petits-enfants sont donc nés dans les années 1820 et ont donc vécu en gros jusqu’aux années 1880. En d’autres termes, vos grands-parents ont dû en entendre parler …

Le plus simple est de pratiquer une généalogie dite ascendante en remontant génération après génération et en partant de vous, mais en ciblant le personnage. Cela signifie que si la légende familiale indique que cet ancêtre était du côté de votre grand-mère maternelle, inutile de chercher du côté de votre père …


Etablir les preuves

Très rapidement, des indices devraient vous montrer si oui ou non vous êtes sur la bonne voie. A l’époque, les gens célèbres ou ayant une certaine aura, étaient connus de leurs contemporains qui ne manquaient pas de le signaler.

Par ailleurs, en cas d’appartenance à la noblesse, les titres sont systématiquement indiqués dans les documents écrits sous l’Ancien Régime. Que votre ancêtre soit titré « écuyer », « haut et puissant seigneur », « chevalier » ou « demoiselle » ou encore « dame » ne suffit pas mais garantit à 99% qu’il s’agit d’une personne appartenant à l’ordre de la Noblesse.

Il vous faudra ensuite prendre votre courage à deux mains car souvent, ces personnages bougeaient souvent et vivaient dans des grandes villes, ce qui les rend difficiles à suivre !

Si en revanche, vous faites chou blanc et qu’arrivé à l’époque de vie supposée de l’ancêtre recherché, vous n’avez rien d’autres que des homonymes, cela signifiera que la légende en était bien une … A moins que votre ancêtre (le vrai) ne soit qu’un cousin éloigné de celui que vous cherchiez, auquel cas, il vous faudra remonter les générations jusqu’à trouver l’ancêtre commun qui vous unira à lui !



La recherche d’un ancêtre prestigieux pour confirmer une légende aboutit souvent à une impasse et on se trouve alors face à une réalité moins glorieuse. Pourtant la généalogie peut s’avérer facétieuse et vous faire découvrir des personnages étonnants (et importants) dont vous ignoriez l’existence ! Ce sera alors à vous de présenter à vos contemporains ce qui ne sera pas une légende mais bien des faits prouvés !





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2 commentaires:

  1. Les légendes familiales sont quand même bâties sur quelques éléments de vérité : la difficulté étant alors de distinguer la part de vrai au milieu de tous les éléments de la légende. Dans ma famille maternelle, on parlait d'un oncle d'Amérique. J'ai toujours classé cette information dans la catégorie légende jusqu'à ce que je trouve un livre avec un nom de famille appartenant aussi à mes ancêtres et un lieu, berceau d'une branche familiale. Ce "cousin d'Amérique", médecin et révolutionnaire y avait émigré contraint et forcé. Du côté de mon épouse, on parlait d'un ancêtre noir. Or, une ancêtre, "mère célibataire" comme on dit maintenant était lingère à Paris entre les deux dates de la libération de l'esclavage dans un établissement qui recevait des enfants et des adolescents ramenés pour les éduquer ou pour servir de "larbins" depuis la Guadeloupe et la Martinique. Trop de coïncidences pour qu'il n'y ait pas un fond de vérité mais je ne sais pas encore lequel. Alors, la légende familiale enjolive et fait disparaître la vérité. Il faut donc être un peu archéologue quand on est généalogiste pour tenter de retrouver des bribes de la vérité.

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    1. C'est vrai que travailler sur les légendes familiales s'apparente souvent à de l'archéologie car on ne dispose que de quelques éléments qui ont été altérés par le temps.
      Ce qui est étonnant parfois c'est le phénomène inverse, à savoir que des ancêtres ont eu un parcours très particulier mais que leur histoire a complètement disparu des mémoires !

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